Biography Maurice Scève
Maurice Scève (1501-1564?), représentant le plus illustre de l\'école lyonnaise, est né à Lyon, entre 1500 et 1505, dans une famille bourgeoise qui joue un rôle honorable dans la vie de la cité.
Son existence reste mal connue. Il reçoit une solide formation intellectuelle. Peut-être devient-il docteur en droit.
Vers 1530, il est en Avignon attaché au vicaire de l\'Archevêque. En 1533, il prend part aux recherches qui tentent de retrouver le tombeau de la mythique Laure, la dame que Pétrarque avait aimée et chantée dans son Canzoniere, morte en Avignon lors de la peste de 1348. Il y découvre un sonnet qu\'il attribue à Pétrarque. Cette trouvaille lui vaut la célébrité, et les félicitations du roi François Ier, lui même grand amateur de poésie pétrarquiste.
De retour à Lyon, Scève fréquente les cercles cultivés et connaît les milieux néo-latins où s\'épanouisse le sodalitium lugdunense.
En 1535, Scève fait la connaissance d\'Étienne Dolet et lui donne à imprimer son premier ouvrage, La Déplorable Fin de Flamete (1535-1536), traduction d\'un roman espagnol de Juan de Flores, inspiré du Fiammetta de Boccace. Ce travail révèle déjà l\'intérêt que Scève porte au renouveau de la langue littéraire.
En 1536, en exil à Ferrare, Marot lance, avec son épigramme du Beau Tétin, une mode et un concours dont s\'engouent les poètes lyonnais. Scève participe à ce concours des blasons lancé par Marot. Il compose alors cinq blasons (Le Sourcil, La Larme, Le Front, La Gorge, Le Soupir) et c\'est lui qui remporte la palme décernée par la Duchesse de Ferrare, Renée de France, pour son Blason du Sourcil.
C\'est un poète déjà renommé qui, la même année, participe au tombeau bilingue du Dauphin de France, le fils préféré de François Ier, mort en 1536, avec une Églogue sur le trespas de Monseigneur le Dauphin qui s\'intitule Arion et donne quelques épigrammes latines et française au Recueil de vers latins et vulgaires de plusieurs poètes français publié par Étienne Dolet pour la mort du dauphin François.
1536 semble être aussi l\'année de la rencontre avec Pernette du Guillet, poétesse lyonnaise, en qui on s\'accorde à reconnaître Délie. Pernette, dans ses vers, fait allusion à Scève, mais la réciproque n\'est pas vraie. La Liaison fut, semble-t-il, platonique. «Délie, objet de plus haute vertu», long poème à la structure complexe dédié à Pétrarque, où Scève chante la femme aimée (son inspiratrice est Pernette du Guillet), paraît en 1544 (2e éd., 1562). Très influencée par les canzoniere italiens, cette oeuvre reste toutefois très personnelle et apparaît comme un grand poème de l\'absence. L\'intérêt de la poésie de Scève réside dans l\'originalité du langage : poésie allusive, suggestive usant de l\'ellipse et d\'ambiguïtés, et souvent considérée comme hermétique pour ces raisons.
La Délie est le premier cycle amoureux de la Renaissance française. On trouve, certes, chez Marot et chez des poètes néo-latins tels que Salmon Macrin, Nicolas Bourbon et Jean Visagier comme l\'ébauche du genre, et Jean de Boysonné a composé un cycle de poésies amoureuses. Mais, c\'est Scève qui, à l\'instar de Pétrarque et de ses émules, a créé un ouvrage capable de rivaliser avec les poètes de la péninsule.
Figure de premier plan dans la vie culturelle lyonnaise et chef de file du cénacle d\'érudits (Barthélémy Aneau, Pierre Tolet,…) qui travaillent alors à promouvoir de nouvelles exigences poétiques, mais aussi membre d\'une des riches familles qui se partagent les charges officielles de la ville, Maurice Scève est le principal organisateur des fêtes données en 1539 et 1540 lors du passage de François Ier à Lyon.
Désormais admiré comme le maître des poètes lyonnais, Scève entrecoupe sa vie publique de longues retraites à la campagne. À la mort de Pernette du Guillet, en 1545, Scève lui rend un dernier hommage en faisant publier, avec une épitaphe de sa main, les Rymes de gentile et vertueuse dame Pernette Du Guillet.
Il compose, en 1547, la Saulsaye, genre pastoral, églogue de la vie solitaire nourrie de cette inspiration champêtre et méditative influencée en partie de Sannazaro. Scève nous y présente deux interlocuteurs, dont l\'un défend les attraits de la vie urbaine, sociale, et l\'autre fait l\'éloge de la vie champêtre et solitaire. Ce faisant il reprend à son compte le lieu commun de l\'opposition rus/urbs dans le cadre de l\'églogue; mais l\'éloge de la solitude et l\'évocation de la nature mettent en lumière l\'originalité du poète, et l\'on peut à juste titre voir dans ce poème un maillon important dans la chaîne du genre pastoral à l\'époque de la Renaissance.
Dès l\'année suivante, poète officiel, il fut rappelé pour organiser les festivités somptueuses de l\'entrée royale du roi Henri II à Lyon en 1548.
La fin de sa vie reste mystérieuse.
Il donne encore à la vie intellectuelle et poétique, et en 1555, on trouve encore son nom, aux côtés de ceux d\'Olivier de Magny et de Jean-Antoine de Baïf, dans un recueil d\'hommage collectif à Louise Labé, Escriz de divers poètes a la louenge de Louize Labé, Lionnoize.
Ensuite, on ne sait plus grand chose de lui, si ce n\'est qu\'il élabore un dernier texte, un grand poème cosmologique, Microcosme, paru chez Tournes à Lyon en 1562 (mais des indications assez sûres laissent penser que le texte fut rédigé en 1559).
Comme les autres ouvrages de Scève, ce poème a été publié sans nom d\'auteur, mais personne n\'a jamais douté qu\'il fût de lui.
Cette oeuvre s\'inscrit dans la tradition seizièmiste de la poésie scientifique.
Ce poème se divise en trois livres de mille vers chacun et se clôt par un tercet; il chante les réalisations de l\'homme au cours des siècles et met l\'accent sur la dignitas hominis, l\'un des thèmes favoris de la Renaissance; il s\'y mêlent les influences de différents courants intellectuels, depuis les idées d\'un Moyen Âge finissant jusqu\'à la tradition encyclopédique de la Renaissance.
Publié à titre posthume, la Délie et le Microcosme valent à Scève une place assurée au panthéon poétique.
Mais, Scève tombe très vite dans l\'oubli, bien que les auteurs de la Pléiade aient vu en lui un maître; on redécouvre aujourd\'hui son oeuvre, qui avec le recul dont peut bénéficier un lecteur du XXe siècle et prise dans sa totalité, apparaît comme un exemple frappant de l\'originalité poétique de la Renaissance.
|