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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-01-03 | [This text should be read in francais] | Submited by Guy Rancourt
Levons-nous, le jour bleu colle son front aux vitres,
La note du coucou réveille le printemps, Les rameaux folichons ont des gestes de pitres, Les cloches de l'aurore agitent leurs battants. La nuit laisse en fuyant sa pantoufle lunaire Traîner dans l'air mouillé plein de sommeil encor Et derrière les monts cachant sa face claire Le soleil indécis darde trois flèches d'or. Il monte. Notre ferme en est tout éblouie, Les volets sont plus verts et le toit plus vermeil, La crête des sapins dans la brume enfouie S'avive de clarté. Voilà le plein soleil Avec son blanc collier de franges barbelées, Avec ses poudroiements de cristal dans les prés, Avec ses flots nacrés, ses cascades brûlées, Ses flûtes, ses oiseaux et ses chemins pourprés. L'abeille tôt levée, attendant sa venue, Essayait d'animer les boutons engourdis, Dérangeait l'ordre neuf de la rose ingénue, Pressait de toutes parts les lilas interdits. Dès qu'elle vit au ciel fuser la bonne gerbe, Son gorgerin blondit, son aile miroita, Et, tandis que les fleurs se découpaient dans l'herbe, Sur un lis qui s'ouvrait son ivresse pointa. Quel massacre badin de vierges cachetées ! La nonnain-violette en conserve un frisson, Les corbeilles d'argent aux blancheurs dépitées S'inquiètent du vent rural et sans façon. Sur l'églantine fraîche aux saveurs paysannes Voici que les frelons éthiopiens vont choir, Les bambous en rumeur entrechoquent leurs cannes, Sur un brin d'amandier sifflote un merle noir. Levons-nous. Notre chien lape son écuelle, Les chevaux affamés piaffent après le foin, On entend barboter un refrain de vaisselle Et des appels de coqs s'égosiller au loin. Déjeunons sur le seuil de tartines miellées, Dans nos verres en feu le soleil boit sa part, Les arbres font danser leurs feuilles déroulées Et teignent leurs bourgeons d'un petit point de fard. C'est l'heure puérile où la margelle est rose, Où la jeune campagne éclose au jour nouveau Dans ses terrains bêchés brille comme une alose, Où l'araignée étend son lumineux réseau. C'est l'heure où les lapins se grisent de rosée, Où l'enfant matinal aux gestes potelés, Agitant le soleil de sa tête frisée ; Rit tenant à deux mains un pesant bol de lait. La montagne se vêt de légères buées Et semble perdre un peu de son austérité, Les cyprès accusant leurs grâces fuselées Dressent des cierges verts sur l'autel de l'été. Ô rajeunissement du réveil, ô lumière Qui laves les noirceurs, les fanges, les chagrins, Qui donnes des splendeurs au bourbier de l'ornière Et mets une ombre d'or sur nos charniers humains. (Cécile Sauvage, Tandis que la terre tourne, 1905-1908)
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