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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-08-13 | [This text should be read in francais] | Submited by Guy Rancourt
Ici, aux pentes des collines, face au crépuscule et au canon du temps
Près des jardins aux ombres brisées, Nous faisons ce que font les prisonniers, Ce que font les chômeurs : Nous cultivons l’espoir. * * * Un pays qui s’apprête à l’aube. Nous devenons moins intelligents Car nous épions l’heure de la victoire : Pas de nuit dans notre nuit illuminée par le pilonnage. Nos ennemis veillent et nos ennemis allument pour nous la lumière Dans l’obscurité des caves. * * * Ici, nul « moi ». Ici, Adam se souvient de la poussière de son argile. * * * Au bord de la mort, il dit : Il ne me reste plus de trace à perdre : Libre je suis tout près de ma liberté. Mon futur est dans ma main. Bientôt je pénètrerai ma vie, Je naîtrai libre, sans parents, Et je choisirai pour mon nom des lettres d’azur... * * * Ici, aux montées de la fumée, sur les marches de la maison, Pas de temps pour le temps. Nous faisons comme ceux qui s’élèvent vers Dieu : Nous oublions la douleur. * * * Rien ici n’a d’écho homérique. Les mythes frappent à nos portes, au besoin. Rien n’a d’écho homérique. Ici, un général Fouille à la recherche d’un État endormi Sous les ruines d’une Troie à venir. * * * Vous qui vous dressez sur les seuils, entrez, Buvez avec nous le café arabe Vous ressentiriez que vous êtes hommes comme nous Vous qui vous dressez sur les seuils des maisons Sortez de nos matins, Nous serons rassurés d’être Des hommes comme vous ! * * * Quand disparaissent les avions, s’envolent les colombes Blanches blanches, elles lavent la joue du ciel Avec des ailes libres, elles reprennent l’éclat et la possession De l’éther et du jeu. Plus haut, plus haut s’envolent Les colombes, blanches blanches. Ah si le ciel Était réel [m’a dit un homme passant entre deux bombes] * * * Les cyprès, derrière les soldats, des minarets protégeant Le ciel de l’affaissement. Derrière la haie de fer Des soldats pissent - sous la garde d’un char - Et le jour automnal achève sa promenade d’or dans Une rue vaste telle une église après la messe dominicale... * * * [À un tueur] Si tu avais contemplé le visage de la victime Et réfléchi, tu te serais souvenu de ta mère dans la chambre À gaz, tu te serais libéré de la raison du fusil Et tu aurais changé d’avis : ce n’est pas ainsi qu’on retrouve une identité. * * * Le brouillard est ténèbres, ténèbres denses blanches Épluchées par l’orange et la femme pleine de promesses. * * * Le siège est attente Attente sur une échelle inclinée au milieu de la tempête. * * * Seuls, nous sommes seuls jusqu’à la lie S’il n’y avait les visites des arcs en ciel. * * * Nous avons des frères derrière cette étendue. Des frères bons. Ils nous aiment. Ils nous regardent et pleurent. Puis ils se disent en secret : « Ah ! si ce siège était déclaré... » Ils ne terminent pas leur phrase : « Ne nous laissez pas seuls, ne nous laissez pas. » * * * Nos pertes : entre deux et huit martyrs chaque jour. Et dix blessés. Et vingt maisons. Et cinquante oliviers... S’y ajoute la faille structurelle qui Atteindra le poème, la pièce de théâtre et la toile inachevée. * * * Une femme a dit au nuage : comme mon bien-aimé Car mes vêtements sont trempés de son sang. * * * Si tu n’es pluie, mon amour Sois arbre Rassasié de fertilité, sois arbre Si tu n’es arbre mon amour Sois pierre Saturée d’humidité, sois pierre Si tu n’es pierre mon amour Sois lune Dans le songe de l’aimée, sois lune [Ainsi parla une femme à son fils lors de son enterrement] * * * Ô veilleurs ! N’êtes-vous pas lassés De guetter la lumière dans notre sel Et de l’incandescence de la rose dans notre blessure N’êtes-vous pas lassés Ô veilleurs ? * * * Un peu de cet infini absolu bleu Suffirait À alléger le fardeau de ce temps-ci Et à nettoyer la fange de ce lieu * * * À l’âme de descendre de sa monture Et de marcher sur ses pieds de soie À mes côtés, mais dans la main, tels deux amis De longue date, qui se partagent le pain ancien Et le verre de vin antique Que nous traversions ensemble cette route Ensuite nos jours emprunteront des directions différentes : Moi, au-delà de la nature, quant à elle, Elle choisira de s’accroupir sur un rocher élevé. * * * Nous nous sommes assis loin de nos destinées comme des oiseaux Qui meublent leurs nids dans les creux des statues, Ou dans les cheminées, ou dans les tentes qui Furent dressées sur le chemin du prince vers la chasse. * * * Sur mes décombres pousse verte l’ombre, Et le loup somnole sur la peau de ma chèvre Il rêve comme moi, comme l’ange Que la vie est ici... non là -bas. * * * Dans l’état de siège, le temps devient espace Pétrifié dans son éternité Dans l’état de siège, l’espace devient temps Qui a manqué son hier et son lendemain. * * * Ce martyr m’encercle chaque fois que je vis un nouveau jour Et m’interroge : Où étais-tu ? Ramène aux dictionnaires Toutes les paroles que tu m’as offertes Et soulage les dormeurs du bourdonnement de l’écho. * * * Le martyr m’éclaire : je n’ai pas cherché au-delà de l’étendue Les vierges de l’immortalité car j’aime la vie Sur terre, parmi les pins et les figuiers, Mais je ne peux y accéder, aussi y ai-je visé Avec l’ultime chose qui m’appartienne : le sang dans le corps de l’azur. * * * Le martyr m’avertit : Ne crois pas leurs youyous Crois-moi père quand il observe ma photo en pleurant Comment as-tu échangé nos rôles, mon fils et m’as-tu précédé. Moi d’abord, moi le premier ! * * * Le martyr m’encercle : je n’ai changé que ma place et mes meubles frustes. J’ai posé une gazelle sur mon lit, Et un croissant lunaire sur mon doigt, Pour apaiser ma peine. * * * Le siège durera afin de nous convaincre de choisir un asservissement qui ne nuit pas, en toute liberté !! * * * Résister signifie : s’assurer de la santé Du coeur et des testicules, et de ton mal tenace : Le mal de l’espoir. * * * Et dans ce qui reste de l’aube, je marche vers mon extérieur Et dans ce qui reste de la nuit, j’entends le bruit des pas en mon intention. * * * Salut à qui partage avec moi l’attention à L’ivresse de la lumière, la lumière du papillon, dans La noirceur de ce tunnel. * * * Salut à qui partage avec moi mon verre Dans l’épaisseur d’une nuit débordant les deux places : Salut à mon spectre. * * * Pour moi mes amis apprêtent toujours une fête D’adieu, une sépulture apaisante à l’ombre de chênes Une épitaphe en marbre du temps Et toujours je les devance lors des funérailles : Qui est mort...qui ? * * * L’écriture, un chiot qui mord le néant L’écriture blesse sans trace de sang. * * * Nos tasses de café. Les oiseaux les arbres verts À l’ombre bleue, le soleil gambade d’un mur À l’autre telle une gazelle L’eau dans les nuages à la forme illimitée dans ce qu’il nous reste * * * Du ciel. Et d’autres choses aux souvenirs suspendus Révèlent que ce matin est puissant splendide, Et que nous sommes les invités de l’éternité. (Un poème inédit de Mahmoud Darwich. Ramallah, janvier 2002. Traduit de l’arabe par Saloua Ben Abda et Hassan Chami) |
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