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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-04-12 | [This text should be read in francais] | Submited by Guy Rancourt
Les chansons que je fais, qu’est-ce qui les a faites ?...
Souvent il m’en arrive une au plus noir de moi… Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi C’est cette folle au lieu de cent que je souhaite. Dites-moi… Mes chansons de toutes les couleurs, Où mon esprit qui muse au vent les a-t-il prises ? Le chant leur vient – d’où donc ? – comme le rose aux fleurs Comme le vert à l’herbe e t le rouge aux cerises. Je ne sais pas de quels oiseaux, en quel pays De buissons creux et pleins de songe elles sont nées… Elles m’ont rencontrée et moi je m’ébahis D’entre battre en moi leurs ailes étonnées. Mais comment à la file en est-il tant et tant Et tant encor, chacune à la beauté nouvelle, Comme une abeille après une abeille sortant Du petit coin de miel que j’ai dans la cervelle ? Ah ! je veux de ma main pour les garder longtemps, Je veux, pour retrouver sans cesse ma trouvaille, Toutes les attraper avant que le printemps Les emporte de moi qui me fane et s’en aille. Toutes, oui ! L’une est gaie et mon cœur joue avec ; L’autre, jeune, mutine et qui fait sa jolie, Malicieuse un peu le taquine du bec… Mais l’autre me l’a pris dans sa mélancolie ; L’autre frémit autour de moi comme un baiser Si doux que j’en mourrai si ce chant continue Et qu’au bord de mon cœur où son cœur s’est posé, Une faiblesse après demeure et m’exténue. Et toutes je les veux, et toutes à la fois - La dernière surtout dont j’ai le plus envie – Je vais les mettre en cage et leur lier la voix Ou je ne dormirai plus jamais de ma vie. Viens, poète, oiseleur, tends-moi comme un filet Ta mémoire et prends-moi ces belles que j’écoute. Retiens dedans surtout ce brin de mot follet Qui danse au bord mouvant de ma pensée en route. Moi j’écoute… Je ris quand l’une rit au jour ; J’ai les larmes aux yeux quand l’autre est bien touchante ; Quand elle est tendre, ô Dieu, j’ai le frisson d’amour… J’écoute et ce qui chante en moi je le rechante. Mais comme un écolier qui prend trop bas, trop haut La note qu’on lui donne et suit mal la mesure, J’hésite, à plusieurs fois tâtant le son qu’il faut, Accrochant çà et là ma voix gauche et peu sûre. Ah ! chanson vive ! Hélas ! pour recueillir sa voix, C’est au lieu de l’air juste un faux air que je trouve, Et je cherche, et l’accent que je risque parfois, Celui qui vibre en moi toujours le désapprouve. Elle chante… et je laisse échapper de ma main Les mots flottants qu’elle me jette à la volée. Si j’en ramasse un ample, il m’en fallait un fin… Elle chante et sera tout à l’heure en allée, Elle chante, elle fuit et je m’efforce en vain De la suivre en courant derrière, je m’essouffle, Je la saisis au vol, je la perds en chemin Et quand je ne sais plus, j’attends que Dieu me souffle. (Marie Noël, Les Chansons et les Heures, 1920)
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