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Décision
prose [ ]

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by [Sophie ]

2006-02-05  | [This text should be read in francais]    | 



J’ai des capucines et des tulipes dans mon jardin, juste au coin du boulevard, vous savez, sous le panneau de Carrefour, je suis bien contente, parce que ça me détend de jardiner, je fais même pousser des iris, c’est les fleurs préférées de ma fille aînée, même si elle est jamais là quand elles fleurissent, c’est qu’elle est jamais là, peut-être bien qu’un jour elle viendra, et je lui montrerai comme je cultive, moi, qui aimais pas la campagne, mais c’est pas pareil, forcément, faut pas comparer, d’abord c’est pas vrai que j’aime pas la campagne, ce que je supportais pas c’était de vivre là-bas, j’avais que dix-huit ans vous savez, la maison était trop grande pour nous deux, même si on n’était jamais tous les deux, enfin…, je préfère pas trop y penser, si vous saviez ce que j’ai enduré, il me trompait même avec une qu’on appelait la veuve, une parisienne qui venait passer ses vacances au grand air chez Monsieur et Madame Jaillac, nos voisins, mais fallait se taire, maman disait que je devais supporter, c’est comme ça les hommes, et puis on a eu nos deux filles à cette époque-là, après trois fausses couches, j’ai beaucoup pleuré, pas à cause de ça, mais parce que c’était dur comme vie vous savez, et quand le troisième est né, il a dit on va déménager en ville, et faut reconnaître que je suis drôlement mieux depuis, mais c’est surtout parce que là il a vraiment changé, j’ai eu raison d’avoir de la patience, il a enfin laissé cette salope, excusez-moi mais c’était une vraie salope, et ça s’est tellement mal passé que je crois qu’il a été vacciné, et puis il a eu son infarctus, et sa mère est morte la même année, ça lui a fait un coup dur, et il a compris qu’il avait besoin de moi, même si j’étais pas comme sa mère, et au lieu de me dire que je faisais tout mal, il a commencé à reconnaître qu’y avait des plats que je préparais qu’on pouvait manger, et sur sa fin des fois il disait qu’on était bien tous les deux, je crois même que quand les enfants sont partis c’était presque mieux, il a fallu du temps, mais tout finit par arriver, même l’amour, et je m’occupe encore de lui à ma façon vous savez, ça leur a fait du bien les cendres à mes capucines, c’est qu’au cimetière je pouvais pas y aller, moi je conduis pas, et je sais bien qu’il voulait être enterré avec sa mère, mais pour une fois c’est moi qui ai décidé.


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