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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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Poezie romaneasca
poetry [ ]
Traducere in limba Franceza

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by [DMP ]

2010-06-25  | [This text should be read in romana]    | 



DAN MIHAI PSATTA : Traduceri din poezia romùnească



MIHAI EMINESCU
(Version réalisée par D.M. Psatta, 2009)


Oh, mère

Oh mère, douce mère, du gouffre plein d’effroi
Par le langage des feuilles tu me demande Ă  toi;
Au dessus de la cripte noire du très sacre couvent
Les accacias s’agittent dans la pluie et le vent...
Ils frappent lĂ©gèrement leurs branches, imitent ton discours,
Toujours vont ils se tordre, tu dormira toujours.

Quand je mourrai ma mie, j’implore ne pleures pas,
Du tilleul saint et pur une branche tu arrachera
Pour l’enterrer ensuite soigneuse à mon chevet,
Elle poussera sereine, par tes larmes arrosée...
La sentirai-je une fois ombrant la fin du jour,
Toujours croĂźtra son ombre, je dormirai toujours.

Et si par chance ensemble nous mourrons embrassés,
Qu’ils ne nous portent pas dans des tristes cimtiers,
Qu’ils nous creusent la fosse auprès d’un ruisseau,
Qu’ils nous mettent tous deux dans le même tombeau...
Tu sera Ă  jamais près de moi, mon amour,
Toujours pleureront les vagues, nous dormirons toujours.


Revoir

- Oh forêt, ma petite forêt,
Que fais-tu, mon mignonnet?
Car depuis que je t’ai vu
Tant de monde j’ai parcouru,
Depuis que je m’éloignais
Tant de jours se sont passés...



- Oh, je fais ce que je fais toujours,
J’écoutte l’hiver les vautours,
Le vent mes branches rompant,
L’eau des ruisseaux bloccant,
Enneigeant les sentiers
Et chassant les chansonniers.
Et je fais ce qui m’en va,
J’écoute l’étĂ© la doïna
Dans la route de l’eau vive
Que j’ai donnĂ© aux convives...
Decorées de camomilles
Me la chantent alors les filles...

- “Forêt miroitant dans l’onde,
Le temps passe pour tout le monde;
Toi, si jeune depuis longtemps,
Est plus jeune maintenant
 «

- Qu’est ce le temps si des siècles
Les Ă©toiles tournent en cercles?...
Soit le temps beaux ou mauvais,
Mon vent souffle, ma feuille naĂźt...
Soit le temps carré ou cube,
Pour moi coule le Danube !
L’homme seul est vieillissant
Sur la terre en errant...

Mais nous, nous restons sur place
Avec la même audace :
Nous, les fleuves et la mer,
La montagne, les déserts,
La lune et le soleil,
La forêt aux feuilles vermeilles.


Qu’est ce que je te souhaite.

Qu’est ce que je te souhaite douce Roumanie,
Mon pays de gloire, mon pays si pur?
Des exploits suprêmes, une force infinie,
A ta fière histoire glorieux futur!
Que le vin enflamme, que les coeurs s’enlacent,
Quand tes fils terribles en combat se jettent,
Car la roche résiste quand les vagues passent...
Douce Roumanie, ça je te souhaite!



L’ange de l’amour, l’ange de la paix
Sur l’autel de Vesta simple souriant
Quand Mars dans sa gloire Ă©blouir il fait
Avec la lumière de son phare ardent...
Laisse le descendre sur ton sol mirable,
Fais-lui gouter joies de paradis,
Serre-le dans ta foi, fais lui retable,
Douce Roumanie, ça je te prédis...

Qu’est-ce que je te souhaite douce Roumanie,
Jeune fiancĂ©e, mère des enfants,
Fais-les toujours vivre tous en harmonie
Comme les Ă©toiles, les aubes triomphants!
Puissante patrie, Ă©ternelle vie,
Existence parfaite, hĂ©ros et poêtes,
Rêves de victoire, gloire, phrĂ©nĂ©sie,
Douce Roumanie, ça je te souhaite!


Venise

Elle est passĂ©e la vie de la fière Venise:
Plus de chansons maintenant, plus de joies festives,
Au delĂ  des vieux portails et tout au long des rives
La lune blanchit les murs qui agonisent.

Okéanos seul et jeune quoi qu il arrive ;
Il pleure par les canaux de couleur grise,
Il rendrait sa fiancée la vie exquise,
Frappe les vieux murs du bourg, flots obsessives.

Comme dans un cimetière, silence est dans la ville ;
Prêtre restĂ© vivant depuis des temps absconses,
Avec une voix profonde, langage de Sibylles,

San Marc sinistre minuit annonce,
En lançant vers le ciel ces paroles solennelles :
« Ne reviennent plus les morts, tout est en vain ma belle »...


Glosse

Le temps passe, Le temps revient,
Tout est neuf et tout est vieux ;


Que sont le mal et le bien
Te demande toi, parbleu !
N’espère pas et n’aie pas peur
Car les vagues comme des vagues passent,
S’ils t’appellent avec vigueur
Toi garde ta cuirasse !


Devant nous passent beaucoup de choses,
Beaucoup sonnent à l’oreille.
Qui se rappelle chaque rose ?
Qui Ă©coute toute merveille ?
Toi, tu restes à cÎté
Retrouvant ton maintien
Lorsque avec sa vanité
Le temps passe, le temps revient...

Tournes pas même sur les pointes
Tes principes et ta rigueur
Vers cette réalité changeante
Pour un masque de bonheur.
Elle renaßt de son passé
Et ne dure que très peu ;
Pour celui qui la connaĂźt
Tout est neuf et tout est vieux.

Spectateur comme au théùtre,
Toi, Ă©coute chaque parole ;
Même si quelqu’un pose pour quatre
Tu devineras son rĂŽle.
Et s’ils hurlent les comparses
Amuse toi, ne crains rien,
Tu comprendras de leur farce
Que sont le mal et le bien.

Le passé et le futur
Sont les deux aspects des choses ;
ConnaĂźtra bien leur nature
Qui comprend métamorphoses.
Choses futures et choses passées
Sont présentes au milieu,
Mais de leurs utilité
Te demande toi, parbleu!




Car toujours aux mêmes aires
Se soumettent ceux qui existent,
Et depuis des millénaires
Le monde est heureux ou triste.
Autres masques, le même spectacle ;
Autres bouches, la même rencoeur.
Echappé comme par miracle,
N’espère pas et n’aie pas peur!

N’espère pas quand les voyous
Trouvent la voie sur le marché,
Te dépasseront les fous
Même si tu serais marquĂ©.
Assidus ils font campagnes,
Tu verras comme ils s’enlacent;
Ne deviens pas leur compagne
Car les vagues comme des vagues passent.

Avec des chants de sirène
Le monde t’attire dans ses gouffres ;
Pour changer acteurs en scène
Il pourchasse ceux qui souffrent.
Ne quitte pas ta redoute,
Evite leur appel menteur ;
N’abandonne pas ta route
S’ils t’appellent avec vigueur.

Pas un geste quand ils vous veillent,
Pas de réponse aux bavures ;
Que veux tu de tes conseils,
Quand tu connais leur mesure?
Qu’ils disent ce qu ils veulent dire,
Passe au monde ce qui passe;
Pour que rien ne t’inspire,
Toi, garde ta cuirasse.

Toi tu gardes ta cuirasse
S’ils t’appellent avec vigueur,
Car les vagues comme des vagues passent ;
N’espères pas et n’aie pas peur.
Te demande toi, parbleu,
Que sont le mal et le bien ;
Tout est neuf et tout est vieux...
Le temps passe, le temps revient.



Ode

Je ne croyais pas apprendre Ă  mourir une fois...
Toujours jeune, entouré de ma cape,
Je levais mes yeux en rêvant vers l’étoile de la
Solitude!...
Quand tout Ă  coup toi tu apparus dans ma route
Oh souffrance, toi, douloureusement douce ;
Jusqu’au fond j’ai bu la voluptĂ© de la mort
Impitoyable.

Seul je meurs brûlant, torturĂ© comme Nessus,
Or comme Hercule, brûlĂ© par sa propre chemise,
Mon feu Ă©teindre ne peuvent eteindre
Toutes les eaux de la terre.

Par mon propre rêve dĂ©vorĂ© je souffre,
De ma propre bûche je supporte les flammes.
Puis-je ressusciter lumineux du feu ainsi
Que l’oiseau Phoenix ?

Loin de moi les yeux troublants qui m’obsèdent !
Reviens à mon sein indifférence triste.
Pour pouvoir mourir apaisé, redonne moi
A moi même !...




L Ă©toile

L’étoile qui Ă  peine parut
Est si lointaine,
Que des milliers d’annĂ©es on du
A sa lumière qu’elle vienne.

Peut-être morte depuis longtemps,
Dans les espaces perdue,
Sa lumière Ă  peine maintenant
Eclaire notre vue.




L’icĂŽne de l’étoile mourante
Dans les cieux s’élève,
Nous la voyons quoi qu-elle absente !
Son existence : un rêve.

Ainsi quand le plaisir d’amour
Périt et se déplore,
La lumière des faibles jours
Nous suivit encore.

.
Soirée à la montagne

Le soir aux monts la corne sonne si triste,
Les troupeaux montent, les Ă©toiles brillent, existent,
Les eaux qui pleurent claires surgissent des fontaines,
Sous un beau frêne chère m’attends tu seraine.

La lune au ciel passe si sainte et claire,
Tes grands yeux explorent le feuillage solitaire,
Les étoiles naissent, fraßches du néant elles sortent,
Mon Ăąme d’amour, mon front de rêves dĂ©borde.

Les nuages coulent, rayons fades les crèvent,
Des vieux toits les maisons dans l’ombre soulèvent,
Grince vaguement la roue du puit dans les airs,
Montent les fumĂ©es, flutes murmurent bergères...

Les paysans, portant sur Ă©paules leurs fauches,
Rentrent des prĂ©s. Sonnent pour vêpre les cloches:
Leurs voix sonores remplissent le soir de dièzes,
Mon ñme ardente brille d’amour comme la braise.

Oh, maintenant le village dans sa vallĂ©e s’entoure,
Oh, maintenant mes pas vers ma bien aimée courent...
Près du vieux frêne resterons nous toute la nuit,
Des heures entières te dirai-je combien tu es chère Ă  ma vie...

Nous pencherons nos têtes l’un contre l’autre,
Et, souriants, nous nous endormirons sous nĂŽtre
Arbre béni. Pour une nuit aussi claire
Qui des humains ne donnerait sa vie entière!?





Hypérion

Il y avait, comme dans les contes
De rêve et d’harmonie,
Dans une famille de grands comtes
Une très jolie fille.

Elle Ă©tait seule parmi les siens
Et fière de sa morale,
Comme la vierge parmi les saints,
La lune entre Ă©toiles.

Des sombres voutes de son manoir
Elle calme se dirige
Vers la fenêtre ou chaque soir
Le Prince du Ciel se fige.

Le voit au loin quand sur les mers
Il s’élève, illumine
Un grand sillage de mystère,
Que les bateaux fascine.

Le voit un jour, le voit le second,
Les sentiments la comblent.
Lui s’éprendt d’amour profond
La regardant dans l’ombre...

Comme sa tête elle appuyait,
Ses premiers rêves de femme
D’un grand dĂ©sir lui remplissaient
Son coeur et son Ăąme.

Et lui s’allume tellement beau,
Merveille dans son être,
Quand des terrasses de son chateau
Elle va lui apparaĂźtre.

Puis pas Ă  pas derrière elle
PĂ©nètre dans la chambre,
Tissant une toile d’étincelles,
Une fine tissure d’ambre.

Et quand l’enfant se tendt au lit
Sur son corp rĂ©verbère,
Lui touche léger le bras polis,
Ferme sa paupière.


Elle le regarde en souriant,
Il tremble discret dans l’ombre,
S’y attachant en rêve charmant
A son belle Ăąme sombre.

Surprise dans son sommeil, elle soupire
En lui parlant naïve:
- „Pourquoi ne viens tu pas, beau Sire,
Oh, roi de ma nuit, arrive!

Descends sur terre, oh mon doux Prince,
Sur une Ă©chelle divine,
PĂ©nètre dans mon Ăątre mince,
Ma vie illumine!”..

Il Ă©coutait presque tremblant,
Appreciait le monde,
Et se jetait en foudroyant,
Dans la grande mer profonde.

L’eau dans laquelle il a fondu
Tourna en cercles brèves,
Des profondeurs inconnus
Un beau jeune homme s’élève.

LĂ©ger il passe comme un son
Le bord de la fenêtre,
Et porte en main un long batton
EncouronnĂ© de hêtre.

Il ressemblait Ă  un jeune roi
Aux tresses blondes, dorées,
Un fin linceul de mauve soie
Sur les épaules noué,

Mais le visage transparent
Et blanc comme la cire:
Un mort superbe aux yeux ardents,
Qui ne cessaient de luire.

- „Des amples sphères j’arrive Ă  peine
Pour obéir ta voix,
La chaude mer est ma marraine
Et le soleil mon Roi.


Pour arriver dans ton autel,
Voir tes yeux si beaux,
J’ai descendu de mon ciel
Et je naquis des eaux.

Oh viens mon chère diamant,
Quitte cette terre infame,
Je suis l’étoile du firmament
Toi, deviens ma femme.

Dans des palais Ă©blouissants
Tu passera des siècles,
Et tout le monde dans l’ocĂ©an
ObĂ©ira tes regles.”

- „Oh, tu est beau comme dans le rêve
Un ange nous se donne,
Mais sur la voie que tu observe
Ne peut aller personne.

Etrange en dire et en port,
Tu luis presque sans vivre;
Car je suis vive, tu es mort,
Et ton regard me givre”.

***
Passa un jour, et même trois,
Encore la nuit qu’il vienne
Le brillant phare au dessus de soi,
Avec lueurs seraines.

Elle dut dans son moitié sommeil
Se rappeler son charme,
Et tout Ă  coup son vieil
Amour encore la desarme.

- „Descends sur terre, oh mon doux Prince,
Sur une Ă©chelle divine,
PĂ©nètre dans mon Ăątre mince,
Ma vie illumine!”

Parce-que du ciel il entenda,
Il s’éteignt d’amertume;
Et le ciel entier tourna
En tourbillons posthumes.



De l’horizon des flammes rouges
S’étendent sur tout le monde,
Et du chaos, les airs qui bougent
Une haute image innondent.

Sur les beaux tresses de noirs cheveux
Lui brule la couronne;
Il vole fantaste comme le feu
Et son allure rayonne.

Du noir linceul flottant au vent
Sortent des bras d’opale;
Il vient triste, en pensant,
Le front hautin et pĂąle.

Ses yeux grands et chimériques
Luisent sans mesure,
Comme deux grandes passions mystiques,
Pleines de lieux obscures:

- „Des amples sphères j’arrive Ă  peine
Pour Ă©couter ta voix;
La chaude mer est ma marraine
Et le soleil mon Roi.

Oh viens mon chère diamant,
Quitte cette terre infame,
Je suis l’étoile du firmament,
Toi, deviens ma femme!

Oh viens que sur tes cheveux clairs
Je pose couronne d’étoiles;
Que sur mes cieux tu Ă©claire
Plus fière que tes voiles”.

- „Oh tu es beau comme dans nos rêves
Le démon nous se donne;
Mais dans la voie que tu relève
Ne peut aller personne.

Fait peine ton cruel amour
Dans ma pauvre Ăąme nule,
Tes grands yeux brulent alentours,
Car ton regard me brule”.



- „Comment? Veux tu que je m’en vais
De ma constellation fidèle?
Comprends que je ne meurs jammais,
Et toi tu es mortelle!”

- „J’ai pas paroles d’enjoument
Et ne sait pas te prendre,
Quoi que tu parles clairement
Je ne peux pas comprendre.

Mais si tu veux que je reussis
D’aimer ton grand mystère,
Soit un mortel comme moi aussi,
Descends chez nous sur terre.”

- „Tu demendes mon immortalitĂ©
Pour un baiser en change,
Je veux que tu sache comme je suis gré
A ton amour, mon ange...

Oui, je vais naitre en péché
Recevant autre vie,
A l’éternel je suis liĂ©,
Je veux qu’on me dĂ©lie!...”

Pour accomplir son sacre voeux,
Par amour pour une fille,
Il partit de son haut lieu,
Quitta son harmonie.

***
Pendant cette fuite, Catalin,
Rusé enfant instable,
Qui distribue les coupes de vin
Aux invités à table,

Un page qui suit pas Ă  pas
Les robes de la comtesse,
Enfant bĂątard et de fracas,
Yeux pleins d’ardiesse,

Des joues sensibles, fleurissants
Comme deux roses fines,
S’introduit furtivement,
Regardant Cataline.


- „Mais qu’elle est belle maintenant
Et fière Ă  la danse!
Eh, Catalin, ç’est le moment
De essayer ta chance”.

Comme par hazard il l’embrassa
Dans un petit coin, en hĂąte:
- „Quoi, Catalin, veux tu de moi,
Va-t-en, garde ta patte!”

- „Que je veux? Ne plus rester
Pensive comme la lune,
De rire plutĂŽt et me donner
Une bise, seulement une!...”

- „Je ne sais pas meme ce que tu veux,
Fiche moi la paix”, dit-elle.
„Oh, du Seigneur qui est aux cieux
Me ronge l’attente mortelle!.”

- „Si tu ne sait pas, je te montrerai
L’amour en tout dĂ©tail,
Seulement soit pas ainsi fùchée,
Nous sommes pas en bataille.

Comme le chasseur dans les bois
Tendt aux oiseaux ses pièges,
Quand je t’entoure de mon bras
Tends moi ton bras de neige...

Et tes yeux au dessus de moi,
FixĂ©s sur moi qu’ils restent;
Quand je t’élève dans mes bras,
Fais de réponse un geste.

Quand mon visage se tourne en bas,
En haut tourne ton visage,
Que nous fêtons, couplĂ©s comme ça,
La gloire de notre Ăąge!...

Et pour connaĂźtre pleinement
De cet amour la braise,
Quand je te baise follement,
Toi de nouveaux me baise!”...



Elle Ă©coutait l’enfant gĂątĂ©
Distraite comme une icĂŽne,
Mais enchantée, emerveillée,
Sans vouloir s’abandonne

Et lui dit: „ Depuis l’enfance
Je te connais errable,
Et bavardeur sans importance,
Tu es Ă  moi semblable.

Mais un beau astre, apparu
De l’oubli du silence,
De la grande mer a parcouru
La solitude immense.

Il brille d’un amour si beau
Pour ma douleur Ă©teindre,
Quoi qu’il se trouve de moi trop haut,
Pour le pouvoir atteindre.

Mes paupières se ferment lasses,
Car elles sont pleines de larmes,
Quand toutes les vagues se deplassent
Cherchant de lui le charme.

Il arrive triste, a rayons froids,
Du monde qui le sépare,
Toujours je l’aimerai, mille fois,
Aussi lointain et rare.

Depuis, les jours sont Ă  mon sein
Comme des stèpes de cendre,
Mais les nuits ont un charme saint
Que je peux plus comprendre”.

- „T’es une enfant, ç’est ça je crois,
Fuyions dans nos voies basses!
Ils oublieront de toi et moi,
Ils perderont nos traces;

Car tous les deux nous serons sages,
Tu oubliera, fantaste,
De tes parents revoir l’image
Et de languir les astres!”


***
Partit Hypérion... Croissaient
Dans le ciel ses ailes,
Des voies de mille années passaient
Comme des secondes rebelles.

Ciel d’étoiles au dessus,
Au dessous ciel d’étoiles;
Semblait un foudre continu
Errant des voies astrales.

L’espace immense, triomphant,
Autour de lui dansait,
Comme dans les jours du premier an
Des lumières naissaient.

Et en naissant elles l’entourent,
Des mers de feu en ronde;
Il vole, pensée sans détour,
Jusqu’à la fin du monde.

Ou il arrive il n’y a plus rien,
Ni oeil pour connaĂźtre,
Et le temps cherche toujours en vain
Du vide Ă  renaĂźtre.

Il n’y a rien, et pourtant ç’est
Une soif qui l’attire,
C’est un abüme de secrets
Qui intrigue et inspire.

- „Du lourd fardeau de l’éternitĂ©
Oh, Père, me dĂ©lie,
Et pour toujours que tu soit loué
Dans toutes les galaxies!

Demande moi n’importe quel prix
Mais donne moi autre sort,
Car Tu es seul Créateur de vie,
Et Créateur de la mort.

Reprends le nimbe de saint ange,
Le feux de mon discours,
Et pour tout ça donne moi en change
Un seul moment d’amour!...


Du chaos, Père, je fus livrĂ©,
Je veux rentrer au chaos;
Et du repos je suis né,
J’ai soif de repos!...”

- „HypĂ©rion, quand des soleils
Existent par millions,
Ne demandes pas signes et merveilles
Qui n’ont pas forme ou nom!

Tu veux devenir une chose qui pousse,
Te ressembler aux hommes,
Mais si les hommes périraient tous,
NaĂźtraient encore des hommes.

Eux seuls bĂątissent dans le vent
Des espérances vagues,
Quand vagues meurent lentement
Derrière naissent vagues.

Eux seuls connaissent bien la chance,
Les signes d’infortune,
Nous n’avons pas ni temps, espace,
Ni mort, ni fin... aucune.

Au sein de l’éternel hier
On connait pas le desastre;
Un astre quand s’éteignt, au ciel
S’alume un nouveau astre.

Semblant toujours Ă  revenir,
La mort derrière va le paĂźtre
Car tous sont nés afin de mourir,
Et meurent pour renaĂźtre.

Et toi, HypĂ©rion, dispère
Mais reste Ă  ta place,
Tu représentes la forme primaire,
Astre parmi les astres.

Et pour qui veux tu que tu meurs?
Rentre et te dirige
Vers ce beau monde enchanteur,
Comprends ce que tu exige!...”


***

Donc à sa place fixée du ciel
Hypérion retourne
Et verse encore, ainsi que hier,
Sa lumière nocturne.

Car le soir tombe au crépuscule
Et la nuit commence;
La lune s’élève en bascule
Dans les cieux immenses

Et remplit de ses Ă©tincelles
Les sentiers du bois;
Sous la longue file de hauts tilleuls
Deux jeunes gens parlent bas.

- „Oh, laisse ma tête sur ton sein
Ma chère qu’elle se couche
Sous le rayon de l’oeil divin,
L’attrait de ta belle bouche.

Du charme de la froide idée
Dans ma pensĂ©e pĂ©nètre,
Verse le calme de l’HymĂ©nĂ©e
Sur ma passion d’être.

Donne donc sage Ă  ton tours
A ma douleur une trêve,
Car tu es mon premier amour
Et mon ultime rêve”.

Hypérion voyait du haut
Surprise sur leurs mines;
A peine frolée par son bras beau,
Le serre sur sa poitrine.

Senteur de fleurs argentées
Qui tombent, une pluie douce,
Au dessus la tête d’une belle fĂ©e,
Au tresses de cheveux rousses.

Elle, ennivrée par son amour,
Lève ses yeux qui brillent,
Et doucement, et sans détours
Ses désirs lui confie.


„Descendt sur terre, oh mon doux Prince,
Sur un rayon sublime,
PĂ©nètre dans ma pensĂ©e mince,
Ma chance illumine!”...

Il tremble alors comme d’habitude
Au dessus de bois, colines,
En dirigeant la solitude
Des vagues sousmarines.

Mais tombe plus en plein mystère
Aux mers comme un apĂŽtre:
- „A quoi t’importe, boule de terre,
Que ce soit moi, ou autres!

LĂ  bas dans votre vie immonde
Gouverne la chance fade:
Mon Ăąme reste dans son monde
Pure, immortelle et froide...

.......

Je n’ai plus qu’un dĂ©sir

J’ai plus qu’un seul dĂ©sir:
Dans le silence du soir:
Que l’on me laisse mourir
Au bord de la mer noire.

Que mon sommeil soit fin
Et la forêt toute proche,
Que j’aie un ciel serein
Au dessus de ses roches.

J’ai pas besoin de revanche,
J’veux pas riche tombeau,
FaĂźtes moi auprès des eaux
Un lit de jeunes branches.

Et que personne derrière moi
Ne pleure ma perte!
L’automne seule donnera
Une voix aux feuilles moins vertes.


Chantant elle descendera
La vague des dunes,
Que glisse la lune
Au par dessus des bois!

Que sonnent les heures,
Dans la nuit vent froid,
Et au dessus de moi
Que les tilleuls s’effleurent!

N’étant plus un passant
Dans ce monde avare,
Me couvriront, troublants,
Des reflets de mémoire.

Les Ă©toiles qui brillent
Au dessus des grands eaux,
Etant mes amies
Me souriront de nouveau.

GĂ©mira de passions
De la mer la voix rude,
Et moi je serai chanson
Dans ma solitude.


Passèrent mes ans

Passèrent mes ans comme longs nuages sur landes
Et plus jamais ne reviendront sur terre;
Car ne m’enchantent plus comme me touchèrent
Chansons ou contes, devinettes, légendes

Que mon cerveau d’enfant Ă©merveillèrent,
Les comprenant sans les pouvoir comprendre.
Avec ton ombre en vain tu veux me prendre
Oh, heure secrète, temps de la prière...

En vain la main je pose sur ma lire
Pour faire vibrer mon ùme exaspérée,
Refaire les débris de ma décombre;

A l’aube de la jeunesse mes rêves expirent,
Muette est la douce voix des jours passés
Le temps s’accroit derrière moi... Je sombre.



Avec demain tes jours s’accroissent

Avec demain tes jours s’accroissent
Avec hier ta vie descendt;
Tu as pourtant toujours en face
L’aujourd’hui du temps prĂ©sent.

Quand quelqu’un passe de ce monde,
Un autre arrive pour sa part:
Ainsi quand le soleil monte
Il doit descendre quelque part.

Il semble que les mêmes vagues
Traversent toujours le même seuil;
Quoi que nous voyons une autre automne
Tombent toujours les mêmes feuilles.

De toute seconde passagère
Cette vérité je la comprends;
Elle soutient la vie entière
Et fait revivre le néant.

Intact est le trĂ©sor d’idĂ©es
Que dans ton Ăąme tu as fondu;
Que passe en l’ombre cet annĂ©e
Et disparaisse dans le vécu!

Avec demain tes jours s’accroissent,
Avec hier ta vie descendt:
Tu as pourtant toujours en face
L’aujourd’hui du temps prĂ©sent.

Les paysages Ă©tincelants
Qui se succèdent en filĂ©es
Reposent toujours inchangeants
Sous le rayon de la Grande Idée.


Et si...

Et si les branches frappent des toits
Et les peupliers tremblent,
C’est que je me souvienne de toi
En nous rêvant ensemble.


Si les Ă©toiles frappent le lac
Illuminant ses veines,
C’est pour chasser pensĂ©es opaques,
Rendre ma vie sereine.

Et si les nuages denses fuissent
Et se montre la lune,
C’est que dĂ©livrĂ© de peine je puisse
Me rappeler ma „Une”.


Tellement fraĂźche

Comme la floraison des pommes,
Tellement blanche, tellement fraĂźche,
Un ange tu sors parmi les hommes,
Embellissant ma vie si sèche.

A peine frĂŽlant le tapis mou,
La soie sussure en marchant,
A haute allure, aux mouvements doux,
Tu flotte lĂ©gère comme le vent.

Devant ton corp mystérieux,
Un bloc de marbre sous la lune:
Mon ùme est fascinée des yeux
Si pleins de larmes et de fortune.

Oh mon amour, mon Ă©lixir,
Belle fiancée des contes de fées,
Ne souris plus, car ton sourire
Me montre combien douce tu es.

Comment tu peux de ton auréole
Perdre mon Ăąme Ă  jamais,
Par tes bien tendres, douces paroles,
Par les caresses de tes bras frais.

Tout à coup passe une pensée
Une ombre sur ton oeil de porphyr,
C’est l’abandon de nos projets,
C’est le refus de nos dĂ©sirs.


Tu pars et j’ai compris moi-même
Ne plus suivre ton parcours;
Perdue au lointain extrême
La fiancée de mon amour.

De t’avoir vu, ce fut mon tort,
Je ne me pardonne plus l’élan:
J’expierai mon rêve d’or
Contraint d’attendre vainement.

T’apparaütra comme une icîne
De la plus vièrge des Maries,
Sur ton beau front portant couronne:
Ou t-en vas tu?.. Tu m’a souris?...


La prière d’un Dac

Du temps ou il n’y avait ni mort, ni immortalitĂ©,
Ni le noyau de feu, créateur de clarté,
Il n’y avait pas demain, toujours, aujourd’hui,
Unique Ă©tait l’ensamble, et tout Ă©tait uni;
Du temps ou tout le monde, la terre et le ciel,
Etait genre de choses sans existence réelle,
Alors Tu Ă©tait Seul; et je me demande tout doux
Qui donc est ce Dieu Ă  qui nous devons tout?

Lui seul Ă©tait Dieu avant l’avance des dieux,
Et dans l’ammas informe planta la force du feu;
Il donna ñme aux choses, et aux ñmes l’action,
Lui pour vous, les hommes, offrit rédemption...
Levez vous, haut les coeurs, chantez Le d’un seul cri,
Il est la mort de la mort et le réveil de la vie!

Lui, me donna les yeux pour voire cette clarté
Et au fond de mon ùme planta la pitié;
Dans le bruit du tonnerre je ressentis son pas,
Dans la musique des sphères j’ai entendu sa voix:
Et pourtant véhément je demande de nouveau
Qu’Il permette ma rentrĂ©e dans l’éternel repos.

Qu’il maudit n’importe qui aurait pitiĂ© de moi,
Qu’il bĂ©nisse seulement qui me met hors la loi,
Qu’il Ă©coute toute voix qui voudrait me blĂąmer,
Qu’il donne pouvoir à ceux qui voudraient me tuer;
Et celui des humains qu’ici bas soit louĂ©
Qui volerait la pierre posée sous mon chevet.


Chassé par tout le monde, que je passe mes années,
Jusque la larme des yeux sera épuisée;
Sentant que dans chaque homme un ennemi va naĂźtre
Que je parviens moi même Ă  ne me plus connaĂźtre;
Que les tourments terribles mes sentiments sĂ©chèrent
Que j’arrive Ă  haïr ma bonne propre mère...
Lorsque la haine profonde me semblera désir,
J’oublierai ma douleur et je pourrai mourir.

Ceux-là qui dans ce monde de ma présence se navrent
Au milieu de la rue qu’ils jettent mon cadavre,
Et Ă  ceux-lĂ , mon Père, offre coupe de bonheur
Qui vont jeter les chiens pour arracher mon coeur!
Quant Ă  ceux qui des pierres vont me jeter au visage,
Ait pitié mon Dieu et donne leurs un long ùge.

Ainsi seulemet Père pourrais-je Te remercier
De m’avoir donnĂ© chance dans ce monde d’exister.
En offrant moi tes dons mon cran tu vas pas vaincre,
Par la haine et blasphèmes je voudrais te convaincre:
Sentir que Ă  Ton soufle ma respiration se casse,
Et dans l’éternelle nuit je disparais sans trace.


19. 06. 200




GEORGE BACOVIA
(Version réalisée par D.M. PSATTA, 2009)


PLOMB

Rig ides dormaient les sarcophages de plomb,
Les fleurs de plomb, le funéraire complet,
Seul dans la tombe j’était et il ventait,
Et elles grinceaient les grandes couronnes de plomb.

Dormait vaincu mon sacre amour de plomb,
Sur fleurs de plomb, sans Ă©couter ma voix,
J’étais seul près du mort, il faisait froid,
Inertes pendaient ses lourdes ailes de plomb.


DECOR

Les arbres blancs, les arbres noirs
Reposent nus dans le parc solitaire,
DĂ©cor funèbre, funĂ©raire,
Les arbres blancs, les arbres noirs...

Dans le parc pleurent regrets bizares.

A plumes blanches, plumes noires,
Oiseaux criant d’une voix amère
Parcourent le ciel solitaire,
A plumes blanches, plumes noires...
Dans le parc les fantĂŽmes transparent.

Des feuilles blanches, feuilles noires,
Des arbres blancs, des arbres noirs,
Des plumes blanches, plumes noires,
Décor funebre, funéraire,
Dans le parc la neige tombe, rare...


LACUSTRE

Depuis tant des nuits pleuvoir j’entends,
J’écoute la matière pleurant,
Je suis seul, et pense devant
Vers les humides demeures lacustres.

Je pense dormir sur planchets moites,
Une vague me frappe dans le dos,
Je tressaillis et j’ai l’idĂ©e
De n’avoir pas pris le radeau.

Un vide immense me sépare,
Je reste toujours dans le même temps,
J’entends avec toute cette bagarre
Les fondements en s’écroulant.

Depuis tant des nuits pleuvoir j’entends,
Tout tressaillant, tout attendant,
Je suis seul et pense, craintant,
A des humides demeures lacustres.


SONET

Une nuit moite, lourde, l’on Ă©touffe dehors,
Fatigués, pùles dans le brouillard,
Brulent affumés des tristes lampadares,
Comme dans une sale taverne qui s’endort.

Dans les faubourgs la nuit est encore plus noire,
L’eau des pluies au bas des taudis sort,
Et l’on entendt la toux d’un presque mort,
Les vieux murs s’écroulent dans la mare.

Je rentre Ă  la maison comme Edgar Poe,
Ou comme Verlaine, brisé par la boisson,
Rien ne me trouble plus de son Ă©cho...

Les pas tremblants me donnent des frissons,
Je tombe, retombe en proférant des mots,
Dans le silence obscure de ma maison.


TABLEAU D’HIVER

Il neige terriblement à l’abatoire...
Du sang si chaud s’écoule au canal,
La neige est pleine de restes animales,
Il neige toujours sur un triste patinoir.

Le blanc semble brulé par du sang cuit,
Dans le sang se promenant les corbeaux sussent,
Après, quand il fait tard, ils s’enfuissent,
Aux champs, sur l’abatoire descendt la nuit.

Il neige toujours dans le sombre horizon,
Aux fenêtres froides surgissent des lumières,
Vers l’abatoire les loups se dirigèrent,
C’est moi, ma mie, Ă  ton gelĂ© balcon.


VERS L’ AUTOMNE

Par les chemins en fuite
Au temps de l’automne
Une idée finite
Dans ma pensée résonne:
„Disparais plus vite! „

A la porte de ma bien aimée
Je frappe nerveux,
Je l’appelle regarder
Le feuillage pluvieux.

Regarde, il est mort un juif,
Ils pleurent dans la boue mole et beige,
Des murmures étranges, sémites...
Je m’ajoute aussi au cortège.

Personne ne comprendt quelque chose,
Je m’enfonce dans une boĂźte, a Ă©crir,
Ou je rentre Ă  ma maison morose
Comme dans un cercueil, pour mourir.

Toujours délirant
Au temps de l’automne,
Une pensĂ©e en m’endormant
Ordonne:
“Vas- t- en maintenant!”


PALISSANT

Je suis le solitaire des vides marchés
A tristes ampoules avec pĂąles lumières,
Quand les sons de l’horloge dans la nuit rĂ©verbèrent,
Je suis le solitaire des vastes marchés.

Compagnes me sont le rire hideux et de l’ombre,
Effrayant les chiens vagabonds dans les rues,
Sous les tristes ampoules Ă  rayons pĂąles, confus,
Compagnes me sont le rire hideux et de l’ombre.

Je suis le solitaire des tristes marchés
A jeux de lumière qui donnent la folie,
PĂąlissant, entre silence et paralisie,
Je suis le solitaire des sombres marchés.


DECEMBRE

Regarde comme il neige le décembre,
Par la fenêtre ma chère regarde,
Demande d’apporter de la braise,
Alumer le feux Ă  la garde...

Approche le fauteuil de la poêle,
En elle que j’écoute l’orrage,
Ma vie lui est presque Ă©gale,
Je voudrais apprendre sa rage.

Demande d’apporter la tizanne
Et vient près de moi plus sereine,
Qu-il vente ou qu-il tombe la neige,
Lit moi quelque chose de lointaine.

Comme il est chaud ton foyer,
Dedans toutes les choses me sont saintes!
Regarde comme il neige le décembre,
Rie plus, lit moi ces complaintes.

Du jour, et il fait encore sombre,
Dis leurs d’apporter une lampe,
Regarde, la neige est si grande,
La glace a bloqué nÎtre clampe.

Je ne rentre plus dans ma chambre,
DĂ©luge est devant, arrière,
Regarde neigeant le décembre,
Rie pas, lit moi altière....


SOIREE TRISTE

Barbare le chant de cette femme
Très tard, dans la taverne inculte,
Barbare chanson pleine d’amertume,
Autours il y avait un grand tumulte;
Comme dans une boĂźte dans la brume
Barbare le chant de cette femme.

Barbare le chant de cette femme,
Et nous, une bande lĂąche et triste,
Qui dans le nuage des cigarres
Pensions Ă  des mondes qui non existent
Et comme une satanique fanfare
Barbare le chant de cette femme.

Barbare chantait la femme lĂ©gère
Autours il y avait une telle bagarre...
Et nous restĂąmes ainsi minables
Et nous pleurĂąmes les fronts sur tables,
Quand parmi nous, dans cette gare,
Barbare chantait la femme lĂ©gère.

09.09.2009








EMIL BLAGA
(Version réalisée par D.M. Psatta, 2009)



JE N’ECRASE PAS LE NIMBE......

Je n’écrase pas le nimbe de merveilles du monde
Et ne tue pas
Dans ma pensĂ©e les mystères
Que je rencontre
Dans les yeux, les fleurs, les bouches et les cryptes...
La lumière des autres
Etouffe la fascination de l’incompris
CachĂ© dans les abĂźmes des tĂ©nèbres,
Mais moi, avec ma lumière j’accrois
Le sense caché du monde;
Et, comme la lune qui avec blancs rayons
Accroit encore les mythes de la nuit,
Je enrichis le sombre horizon
Avec des larges ondes de saint mystère,
Et tout ce qui est inconnu
Deviens plus dense encore dans ma pensĂ©e,Car moi j’adore les yeux, les fleurs, les bouches et les cryptes.


JE VOEUX DANSER

Je voeux danser comme je n’ai jamais dansĂ©,
Afin que Dieu
Ne se sente pas en moi
Esclave dans une prison.

Oh, terre, donne moi des ailes,
Une flèche je voeux devenir
Volant vers l’infini,
Ne voir que le ciel au dessus de moi,
Et du ciel au dessous.

Puis, innondĂ© de lumière,
Que je dense
Poussé par des élans immenses,
Afin que Dieu puisse respirer libre en moi,
Ne se sentant plus
Un prisonnier en chaines.


SILENCE

Il y a tant de silence autour... j’entends
Frappant les vitres des rayons de la lune.

En moi,
Un étranger éveillé
Pousse un soupir qui n’est pas le mien...

L’on dit que les ailleuls
Morts avant terme
Reviennent avec un sang ardent
De passions, de soleil,
Pour vivre en nous leur vie inachevée.

Il y a tant de silence autour,
Que j’entends les rayons de la lune
Frappant les vitres.

Qui sait, mon Ăąme, dans quelle poitrine
Tu chantera une fois, après des siècles,
Sur les cordes douces des harpes nocturnes,
Ton élan étranglé,
Ta joie de vivre...



UNE AUTOMNE VIENDRA

L’automne viendra une fois, très tard,
Qund toi mon amour, tu embrassera mon cou
Comme une couronne de fleurs sèches
Le pilier blanc de marbre d’une crypte.

L’automne viendra qui arrachera le printemps
De tes nuits, de ton corp, de ton front, de tes désirs...
Pùlissant pétales et aurores,
Te laissant seulement les couchants tristes et lourds.

Cette automne viendra-t-elle vilaine
Prendre toutes les fleurs que tu a jamais eu,
En dehors de ceux-lĂ 

Que tu a éparpillé
Sur le tombeau de ceux qui partaient,
Avec ton printemps.


PAN

Couvert par des feuilles sèches, sur un rocher gĂźt Pan.
Il est vieux, aveugle,
Ses paupières sont en pierre;
Il essaye en vain cligner des yeux,
Car il se sont fermé - comme les escargots en hiver.

Des gouttes chaudes de rosĂ©e tombent sur ses lèvres:
Une, deux, trois...
La nature nourrit son Dieu.

Oh, Pan!
Je le vois prendre une branche,
Caressant les bourgeons qui Ă©mergent.

L’agneau approche par des buissons,
L’aveugle l’entend et sourit;


Car il n’a Pan plus grande fĂ©licitĂ©
Que prendre dans ses mains la tête des agneaux
Cherchant petites cornes dans les boutons de laine.

Silence.

Autours les grottes bĂąillent sommeillantes,
Il se détendt, emprunte leur bùillement,
Et se dit:
„Les gouttes de la rosĂ©e sont grandes et chaudes,
Les cornes des agneaux poussent,
Les bourgeons grossissent...
Cerait-ce le printemps?”


PASSION

Le verger s’enfonce dans son sommeil;
De ses cils d’herbes tombent des larmes de feu:
Les lucioles.

En haut, du réseau des nuages
Monte la lune.

Ma nuit tendt vers toi ses mains d’automne
Et, Ă  l’écume de lumière des lucioles,
Je saisis dans mon coeur ton sourire:
Ta bouche est un raisain glacé.

Le fin contour de la lune seul
Serait aussi froid
Si je pouvais le baiser,
Comme je baise ta bouche.

Tu est si près.

Dans la nuit je sens battement de paupières.



L’ ETE

Loin, à l’horizon, des foudres silencieux
Jaillissent de temps en temps,
Comme les membres d’une arraignĂ©e
Etirés de leur corp.

Canicule.

La terre entière est une surface de blĂ©,
Murmure de sauterelles.

Au soleil, les Ă©pis tiennent dans leurs bras les grains
Comme des nourissons.

Le temps détendt oisif ses secondes,
S’endort parmi fleurs d’opium;
A son oreille chante une cigale.



LE VIEUX MOINE ME PARLE DU SEUIL

Jeune homme qui passe dans l’herbe de mon couvent,
Y a- t-il encore jusque au couchant du soleil?

Je voeux rendre mon Ăąme,
Avec les serpents Ă©crasĂ©s Ă  l’aurore
Par les bĂątons des bergers.
Ne me suis-je pas dĂ©battu dans la poussière comme eux?
Ne me suis-je pas réchauffé comme eux au soleil?
Ma vie a été tout ce que tu voeux:
Parfois bête,
Parfois fleur,
Parfois une cloche en querelle avec le ciel.

A présent je me tait, et la voix de la tombe
Sonne Ă  mon oreille, comme une cloche profonde.
J’attends sur le seuil la fraücheur de la fin.
Y a t il encore? Approche, jeune homme,


Prends une poignĂ©e de poussière,
Verse la sur ma tête en guise d’eau et de vin,
Baptise moi avec de la terre.

L’ombre de la lune passe sur mon coeur.


L’AME DU VILLAGE

Enfant, mets ta main sur mes genoux.
L’éternitĂ© naquit au village.
Ici, toute pensée est plus lente,
Le battement du coeur même est plus rare,
Comme si–l frappait profondĂ©ment dans la terre.
Ici l’on guĂ©rit de la soif de pardon,
Et si tes pieds sont ensanglantés,
Tu peux marcher sur des plateformes d’argile.
Regarde, il fait soir,
L’ñme du village voltige tout autours,
Comme une odeur discrète d’herbe coupĂ©e,
Comme un fil de fumée au dessus des toits de paille,
Comme un jeu de chevreaux sur des tombes anciennes.
.

LETTRE

Je ne t’écrirais pas même aujourd’hui ces lignes,
Mais le coq a chanté trois fois dans la nuit
Et j’ai du m’écrier:
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi t’ai-je donc trahi?

Je suis plus vieux que toi, maman,
Et tel que tu me connais:
Un peu courbé du dos,
Penché sur les erreurs du monde.

Pourquoi m’as tu envoyĂ© dans la lumière?
Seulement pour me promener parmi les choses,

Leurs rendre justice en disant
Quelles sont les plus vraies et plus belles?
Je m’arrête, c’est trop peu.
Pourquoi m’as tu envoyĂ© dans la vie, mère?
Pourquoi m’as tu envoyĂ©?

Je tombe Ă  tes pieds,
Lourd comme un oiseau mort.


JE NE SUIS PAS FILS DE L’ACTION

Vous êtes nombreux fils de l’action,
Partout sur les routes, sous le ciel, dans les villes;
Moi seul reste ici inutile, pitoyable,
Bon Ă  être noyĂ© dans les eaux.
Et pourtant j’attends; depuis longtemps j’attends
Qu’il passe un voyageur très bon, assez bon pour lui dire:

Oh, ne me scrute pas,
Ne me condamne pas,
Je pousse parmi vous, mais les fruits de mes mains
Apparaissent autre part.
Ne me maudissez pas, ne me maudissez plus
.

Ami des profondeurs,
Camarade du silence,
Jeu au dessus des faits,

Parfois comme une flutte ancienne,
Je m’envoie en guise de chanson vers la mort.

Inquiet me regarde mon frère,
Etonnée me rencontre ma soeur,
Mais, blottit Ă  mes pieds,
Ecoute et me comprend lui, le Serpent,
Les yeux toujours entrouverts
Vers la sagesse d’au delà.


ELEGIE

Le même ruisseau, les mêmes feuilles tremblent
Dans le ding dong de l’ancien horloge ;
Dans quel pays, dans quel sommeil est tu,
Divine reposant dans quelle loge?

Tous les chemins que tu as parcourus
DĂ©bordent de loin en moi;
Le miroir garde ton image,
Quand tu t-en vas.

Sans pensée, sans élan, sans paroles
J’essuie la glace de mes fenêtres;
Un voisin Ă  mon mur aux aguets
Regarde la noire patience de mon être.


CHANSON POUR 2000

Le vautour qui fait de larges tours
Sera alors mort Ă  son tour.

Près de Sibiu, dans les vallons
Seulement les chênes persisteront.

Est-ce-que quelqu’un rappellera
Un Ă©tranger, pensant Ă  moi?

Je m’imagine n’importe qui
Et sa raconte serait ainsi:

Ici passait et re-passait peureux
L’ami des papillons et de Dieu.


EPITAPH

Ici bas le chemin est difficile Ă  trouver,
Personne ne vous dirige.
Un moment seulement, très tard,
Un moment oublié à son tour,
Vous rappelle
Les insoupçonnables passages.

Puis comme la feuille sèche tu descends,
Et tire de la terre au dessus de toi,
Une sĂ©vère paupière.

Les saintes mères,
Les lumières
De sous la terre,
Avec tes mots
Te des-altèrent.


(28.10.2009)











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