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Le chat fatal
poetry [ ]

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by [Emile_Nelligan ]

2005-10-28  | [This text should be read in romana]    |  Submited by Ionescu Bogdan



Un soir que je fouillais maint tome
Y recherchant quelque symptĂ´me
De morne idée, un chat fantôme
Soudain sur moi sauta,
Sauta sur moi de façon telle
Que j'eus depuis en clientèle
Des spasmes d'angoisse immortelle
Dont l'enfer me dota.

J'Ă©tais très sombre et j'Ă©tais ivre
Et je cherchais parmi ce livre
Ce qu'ici-bas parfois délivre,
De nos âcres soucis.
Il me dit lors avec emphase
Que je cherchais la vaine phrase
Que j'Ă©tais fou comme l'extase
Où je rêvais assis.

Je me levai dans mon encombre
Et j'Ă©tais ivre et j'Ă©tais sombre.
Lui vint danser au fond de l'ombre,
Je brandissais mon coeur :
Et je pleurais : dĂ©mon funèbre,
Va-t-en, retourne en le tĂ©nèbre
Mais lui, par sa mode cĂ©lèbre,
Faisait gros dos moqueur.

Ma jussion le fit tant rire,
Que j'en tombai pris de délire,
Et je tombai, mon coeur plein d'ire
Sur le parquet roulant.
Le chat happa sa proie alerte,
Mangea mon coeur, la gueule ouverte,
Puis s'en alla haut de ma perte
Tout joyeux miaulant.

Il est depuis son vol antique
Resté cet hôte fantastique
Que je tuerais, si la panique
Ne m'atterrait vraiment ;
Il rejoindrait mes choses mortes
Si j'en avais mains assez fortes
Ah ! mais je heurte en vain les portes
De mon massif tourment.

Pourtant, pourtant parfois je songe
Au pauvre coeur que sa dent ronge
Et rongera tant que mensonge
Engouffrera les jours,
Tant que la femme sera fausse.
Puisque ton soulier noir me chausse,
Vie, ouvre-moi donc la fosse
Que j'y danse Ă  toujours !
Cette terreur du chat me brise ;
J'aurai bientĂ´t la tête grise
Rien qu'Ă  songer que son poil frise,
Frise mon corps glacé.
Et plein d'une crise Ă©mouvante
Les cheveux dressés d'épouvante
Je cours ma chambre s'Ă©vente
Des horreurs du passé.

Mortels, âmes glabres de bêtes,
Vous les aurez aussi ces fêtes,
Vous en perdez les coeurs, les têtes,
Quand viendra l'hĂ´te noir
Vous griffer tous comme Ă  moi-même
Selon qu'il fit dans la nuit blême
Où je rimai l'Ă©trange thème
Du chat du DĂ©sespoir !

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