Tant de sévices
Tant de supplices
Tant d’égratignures
Tant de blessures
Qui ont plu
Sur le corps bleui
Qui ont tant déplu
Au cœur meurtri
De la petite Alice
Au pays des vicissitudes…
Enfance volée
Enfance violée
Enfance violentée
Enfance dérobée

A grandi la petite Alice
La jeune ado a troqué
Le monde des sévices pour celui du vice
L’adorable ado belle à croquer
Sillonne les ruelles
Vadrouille les trottoirs
Déambule sur les rues
En quête de proies faciles
De mendiants de tendresse
De mal-aimés affamés
Mais surtout
En quête d’évasion et d’oubli
NE PAS PENSER! NE PLUS PENSER!
La petite Alice maintenant
Aguichante geisha
Se promène du matin au soir
Le cœur qui bat la breloque
Le corps tout en loques
Cachant sa souffrance et ses misères
Noyant sa détresse et ses colères
Dans la débauche et la perversion
Parmi la canaille et la racaille
Parmi les notaires et les notables
Parmi les maris honorables et honorés…

Alice n’est ni enfant ni ado
Depuis des lunes
Alice a tourné la page
Depuis belle lurette
Au tapin et au racolage…
On l’appelle pompeusement
Madame Rangée
On la croise au marché ou à l’église
Avec quelques marmots à ses jupes
A même épousé un riche banquier
Obèse et débonnaire
Son beau-frère est aussi ministre
Chauve et chauvin
Femme modèle
Épouse exemplaire
Le sourire épinglé sur ses lèvres
Heureuse l’est-elle vraiment?
Qui sait? Qui le saura?
Dans les silences et la solitude
De sa vie de châteaux et de princesse
Son passé bourdonne durant la nuit
Bouscule ses songes
Tue ses rêves
Tous les cris et cauchemars qui peuplent ses nuits
La réveillent en sueur
L’assaillent en assassin
Déterrent ses lointains sévices
Ses vilaines immondices
Ses innombrables vices…
Toutes ses insomnies
Renvoient toujours la petite Alice
Au pays des vicissitudes