agonia
english

v3
 

Agonia.Net | Policy | Mission Contact | Participate
poezii poezii poezii poezii poezii
poezii
armana Poezii, Poezie deutsch Poezii, Poezie english Poezii, Poezie espanol Poezii, Poezie francais Poezii, Poezie italiano Poezii, Poezie japanese Poezii, Poezie portugues Poezii, Poezie romana Poezii, Poezie russkaia Poezii, Poezie

Article Communities Contest Essay Multimedia Personals Poetry Press Prose _QUOTE Screenplay Special

Poezii Românesti - Romanian Poetry

poezii


 
Texts by the same author


Translations of this text
0

 Members comments


print e-mail
Views: 6509 .



Murmures à la solitude
prose [ ]

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
by [Emil_Cioran ]

2010-06-05  | [This text should be read in francais]    |  Submited by Guy Rancourt



N’as-tu pas senti la force de mes négations ? La tension qui arquait les articulations de mon être ? Mes plaies ne t’ont-elles pas brûlé pour avoir prédit ma fin ? N’as-tu pas compris que tu m’as permis d’être fort, que tu as été mon rempart contre le rien ? Pourquoi me chuchoter à l’oreille de tout quitter, quand je me suis déjà attaché grâce à toi aux apparences de la nature ? Je ne t’ai pas demandé de me prendre en pitié, mais de me donner la force de maudire et l’éclair d’espérer.
Et toi, ne m’as-tu pas enseigné que le mépris devait avoir l’amplitude de l’amour ? Mépris hautain, solitude, telle est ta loi ; un sommet dans le mépris, sommet atteint par ton amour. Car on doit d’abord bâtir un monde sur l’amour avant de s’autoriser à le regarder de haut.
Et ne m’as-tu pas conseillé de regarder ainsi vers lui pour retirer à la douleur son identité et à la défaite son obscurité ?
Ne m’as-tu pas palpé, n’as-tu pas baisé mes plaies, solitude, ces plaies qui parlent de résurrection ?
J’ai senti tes caresses, quand ma voix brisée, amère et triste, t’a murmuré : je suis un univers de regrets. Pourquoi toi, qui ne pardonnes rien, as-tu toléré la faiblesse d’un tel aveu ? Que mes os soient brisés, que ma langue soit clouée, que mon regard me soit ravi. Car je ne veux pas être en être, ce que je ne suis pas en pensée. Et, chaque fois que mes pensées m’ont abandonné, chaque fois, je n’ai pas été en pensée. Inspire à mes pensées la fraternité de la vie et fait qu’elle se souvienne de moi dans les grandes heures. Mais ne me console pas quand je suis faible, las et abattu. Je te veux alors sévère, méchante, implacable. Brûle-moi la plante des pieds quand je veux ensevelir mon esprit et transperce mon âme quand elle est tiède. Lacère ma chair quand elle se berce dans l’oubli et rend mes larmes brûlantes comme le poison. À toi, je confie mon âme, solitude, et dans tes entrailles, je veux que tu t’enterres.

(E. M. Cioran, Le livre des leurres, 1936)

.  |








 
shim Home of Literature, Poetry and Culture. Write and enjoy articles, essays, prose, classic poetry and contests. shim
shim
poezii  Search  Agonia.Net  

Reproduction of any materials without our permission is strictly prohibited.
Copyright 1999-2003. Agonia.Net

E-mail | Privacy and publication policy

Top Site-uri Cultura - Join the Cultural Topsites!