agonia
english

v3
 

Agonia.Net | Policy | Mission Contact | Participate
poezii poezii poezii poezii poezii
poezii
armana Poezii, Poezie deutsch Poezii, Poezie english Poezii, Poezie espanol Poezii, Poezie francais Poezii, Poezie italiano Poezii, Poezie japanese Poezii, Poezie portugues Poezii, Poezie romana Poezii, Poezie russkaia Poezii, Poezie

Article Communities Contest Essay Multimedia Personals Poetry Press Prose _QUOTE Screenplay Special

Poezii Românesti - Romanian Poetry

poezii


 
Texts by the same author


Translations of this text
0

 Members comments


print e-mail
Views: 5676 .



Notes d\'un souterrain
prose [ ]
A propos de neige fondue

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
by [Fiodor_Mihailovici_Dostoievski ]

2010-08-14  | [This text should be read in francais]    |  Submited by Dolcu Emilia



II

Mais quand la pĂ©riode de ma sale petite dĂ©bauche prenait fin, je me retouvais abominablement Ă©cƓurĂ©. J’étais pris de remords, je les chassais: la nausĂ©e devenait vraiment trop forte. Mais peu Ă  peu, cela aussi, je m’y habituais. Je m’habituais Ă  tout c’est-Ă -dire que ça ne devenait une habitude Ă  proprement parler, mais un libre consentement. Et puis, il me restait une issue qui conciliait tout: c’était de me rĂ©fugier dans “le beau et le sublime”, c’est-Ă -dire, Ă©videmment, dans mes songeries. C’est formidable, ce que je pouvais songer, des trois mois de rang, terrĂ© dans mon coin et – vous pouvez me croire – Ă  ces moments-lĂ , je ne ressemblais plus du tout au monsieur qui , du dĂ©sarroi plein son cƓur de poulet, avait posĂ© du castor allemand au col de son manteau. J’étais subitement devenu un hĂ©ros. Mon colossal lieutenant, je ne l’aurais pas laissĂ© entrĂ©, mĂȘme s’il Ă©tait venu me rendre visite. Je n’arrivais meme pas Ă  me le reprĂ©senter. Ce qu’étaient mes songeries et comment ells pouvaient me suffire, aujourd’hui, j’aurais du mal Ă  le dire, mais dans ce temps-lĂ , elles me suffisaient. Au fait, c’est que maintenant encore, elles me suffisent – en partie. Les songes les plus doux et les plus forts me venaient aprĂšs quelque sale petite dĂ©bauche, accompagnĂ©s de larmes, de malĂ©dictions et d’exaltations. Il y avait des moments d’ivresse si vĂ©ritable, de tel bonheur, que je perdais pour de bon l’envie de railler, je vous le jure! Hier, j’avais un espoir, un amour. Et c’est bien cela qui compte: Ă  ces moments-lĂ , je croyais aveuglĂ©ment que par je ne sais quel miracle, par je ne sais quelles circonstances extĂ©rieures, un beau jour, tout cela s’écarterait, s’élargirait; que soudain m’apparaĂźtrait l’horizon nouveau d’une activitĂ© adĂ©quate, salutaire, suberbe et sutout toute prĂȘte (quelle activitĂ© au juste, ça, je ne l’ai jamais su, mais surtout toute prĂȘte), et alors, je me montrerais au grand jour, pour un peu sur un cheval blanc et couronnĂ© de lauriers. Je ne pouvais me concevoir de rĂŽle secondaire, et c’est bien pour cela que, dans la rĂ©alitĂ©, j’occupais le plus tranquillement du monde le dernier. Un hĂ©ros ou de la boue, il n’y avais pas de milieu. Et c’est cela qui m’a perdu que, pataugeant dans la boue, je me consolais en me disant qu’à d’autres moments, j’étais un hĂ©ros, et que le hĂ©ros m’a masquĂ© la boue. En somme, un homme ordinaire a honte de se salir, mais le hĂ©ros est trop au-dessus de tout pour se salir tout Ă  fait, donc je peux toucher Ă  la boue. Chose remarquable, ces accĂšs de “beau” et de “sublime” me prenaient aussi en pleine dĂ©bauche, et juste au moment oĂč j’avais touchĂ© le fond; ils me prenaient comme ça, par petites bouffĂ©es, comme pour me rappeler tout de mĂȘme leur existence, mais sans que leur apparition mette fin Ă  ma sale petite dĂ©bauche; au contraire, ils semblaient la ravigoter par contraste, et ne surgissaient que juste ce qu’il faut pour que la sauce fĂ»t bonne. Cette sauce Ă©tait compose de contradiction et de souffrance, de dĂ©chirante introspection, et tous ces tourments, grands ou dĂ©risoires, donnaient un certain piquant et meme un sens Ă  ma sale petite dĂ©dauche, bref assumaient tout Ă  fait le rĂŽle d’une bonne sauce. Tout cela n’était pas d’ailleurs dĂ©nuĂ© d’une certaine profondeur. Au fait, aurais-je pu consentir Ă  une banale, une vulgaire, une simplette petite dĂ©bauche de gratte-papier et endurer sur moi toute une boue? Comment expliquer sa sĂ©duction, alors, comment expliquer qu’elle m’attirait dehors en pleine nuit? Eh, non, j’avais une noble Ă©chappatoire pour tout

Mais que d’amour, que d’amour j’éprouvais, mon Dieu! Au cours de mes songeries, de mes â€œĂ©chappĂ©es dans le beau et dans le sublime”; un amour fantastique, je vous l’accorde, un amour ne s’appliquant en rĂ©alitĂ©, Ă  rien d’humain, mais tellement riche qu’ensuite, dans la rĂ©alitĂ©, je n’éprouvais mĂȘme pas le besoin de cette application: c’eĂ»t Ă©tĂ© un luxe inutile. D’ailleurs, tout se terminait toujours on ne peut mieux, par une transition nonchalante, enivrante vers l’art, c’est-Ă -dire vers les plus belles forms de l’existence, parfaitement Ă  point, fortement empruntĂ©es aux poĂštes et aux romanciers et adaptĂ©es Ă  mille et un services et exigences. Par exemple: je triomphe. Naturellement, les autres sont pulverisĂ©s et contraints de reconnaĂźtre de leur plein grĂ© mes nombreuses qualitĂ©s, et moi, je leur pardonne, Ă  tous. PoĂšte et gentilhomme de la Chambre, je tombe amoureux; je touche des tas de millions que je sacriefie sur-le-champ au genre humain puis je confesse aussitĂŽt devant le peuple toutes mes infamies, lesquelles, naturellement, ne sont pas des infamies ordinaries, mais renferment des quantitĂ©s folles de “beau” et de “sublime”, dans le style de Manfred. * Tout le monde pleure et m’embrasse (parce qu’autrement, quels crĂ©tins, ils feraient), tandis que moi, la faim au ventre et les pieds nus, je vais prĂȘcher les idĂ©es nouvelles et je bats les rĂ©trogrades Ă  plat couture Ă  Austerlitz. LĂ -dessus, on joue une marche, on dĂ©crĂšte l’amnistie, le Pape accepte de quitter Rome pour le BrĂ©sil; puis il y a un bal pour toute l’Italie Ă  la villa BorghĂšse situĂ©e au bord du lac de CĂŽme, car, en l’honneur de cet Ă©vĂ©nement, ledit lac est transportĂ© Ă  Rome; ensuite, la scĂšne se passe dans les buissons, etc., comme si vous ne le saviez pas? Vous me direz qu’il est vulgaire, qu’il est ignoble de mettre tout cela sur le tapis aprĂšs tous les enivrements et les larmes que je viens, moi-mĂȘme, de faire l’aveu. HĂ©-hĂ©! OĂč voyez-vous l’ignominie? Croiriez-vous, par hazard, que j’ai honte de tout cela, que tout cela est plus bĂȘte que n’importe quel moment de votre propre vie, messieurs? De plus, je vous prie de croire qu’il y avait quelques petites choses que je n’avais pas mal arrangĂ©es du tout
 Mais tout ne se passait pas sur le lac de CĂŽme. Au fait, vous avez raison. C’est vulgaire et ignoble. Et le plus ignoble de tout, c’est que je sois en train de me justifier devant vous. Et plus ignoble encore, que j’en fasse la remarque. Ah! Et puis cela suffit, dans le fond, autrement on n’en finira jamais: les choses seront toujours plus infĂąmes les unes que les autres

Je n’étais jamais en Ă©tat de rĂȘver plus de trois mois de suite, aprĂšs quoi je commençais Ă  Ă©prouver un besoin insurmontable de me prĂ©cipiter dans la sociĂ©tĂ©. Me prĂ©cipiter dans la sociĂ©tĂ©, pour moi, cela voulait dire aller rendre visite Ă  Anton Antonytch SĂ©totchkine, mon chef de bureau. Ce fut l’unique connaissance que j’entretins toute ma vie, circonstance dont je m’étonne, aujourd’hui, moi-mĂȘme. Mais lui aussi, je ne lui rendais visite que le moment venu, lorsque mes songeries m’avaienet tellement trasportĂ© que j’éprouvais le besoin impĂ©ratif et immĂ©diat de serrer des gens dans mes bras, l’humanitĂ© entiĂšre; et pour cela, il fallait ĂȘtre Ă  la tĂȘte de ne fĂ»t-ce que d’un seul homme en chair et en os. Par ailleurs, je devais me prĂ©senter chez Anton Antonytch le mardi (son jour), par consĂ©quent, toujours ajuster mon besoin de serrer l’humanitĂ© entire dans mes bras au mardi. L’ Anton Antonytch en question demeurait aux Cinq Coins, quatriĂšme Ă©tage, oĂč il occupait quatre piĂšces basses, plus petites les unes que les autres, d’aspect tout ce qu’il y a d’économique et de jauni. Il avait deux filles et leur tante qui servait le thĂ©. Ses filles- l;une avait treize ans, l’autre quatorze avaient toutes les deux le nez Ă  la retroussette et m’intimidaient effroyablement, parce qu’elles passaient leur temps Ă  chuchoter entre elles et Ă  ricaner. D’ordinaire, je trouvais le maĂźtre de maison assis sur un divan de cuir, devant la table, en compagnie de quelque visiteur chenu, fonctionnaire de notre service ou mĂȘme d’un autre.Je n’y ai jamais vu plus de deux ou trois personnes Ă  la fois, toujours les mĂȘmes. On parlait impĂŽts indirects, adjudications au SĂ©nat, traitements, promotions, on parlait de Son Excellence, des moyens de plaire, et ainsi de suite, et ainsi de suite. J’avais la patience de rester, comme un crĂ©tin, quatre heures de rang auprĂšs de ces gens-lĂ , sans les Ă©couter sans oser ni savoir parler de rien avec eux. Je devenais idiot, j’avais des sueurs chaudes, la paralysie me guettait; mais c’était bien, c’était utile. Une fois rentrĂ©, je remettais Ă  un peu plus tard mon dĂ©sir de serrer l’humanitĂ© entire dans mes bras.
Au fait, il me sempble que j’avais encore une connaissance:Simonov, mon ancient camarade de classe. Des camarades de classe, ma foi, j’en avais mĂȘme beaucoup dans PĂ©tersbourg, mais je ne les frĂ©quentais pas et je ne les saluais mĂȘme plus dans la rue. Je crois mĂȘme que j’avais changĂ© de service rien que pour Ă©viter de me retrouver avec eux et en finir une fois pour toutes avec ma dĂ©testable enfance. Maudite soit cette Ă©cole, ces horribles annĂ©es de bagne! En un mot, dĂšs que je m’étais trouvĂ© libre de mes actes, je m’étais sĂ©parĂ© de mes camarades. Il en restait encore deux ou trois que je saluais, lorsqu’il m’arrivait de les croiser. Et parmi eux, Simonov, un garçon qui, en classe, ne se distinguait en rien, Ă©tait d’un naturel Ă©gal et paisible, mais chez qui j’avais discernĂ© un certain esprit d’indĂ©pendence, voire de l’honnĂȘtetĂ©. Je crois mĂȘme qu’il n’était pas trop bornĂ©. Nous avions autrefois connu ensemble des heures assez claires, mais elles n’avaient pas durĂ© longtemps, et s’étaient enveloppĂ©es d’une sorte de brouillard. Je crois que ces souvenirs lui pesaient et qu’il croyait sans cesse de me voir retomber dans notre ton d’autrefois. Je le soupçonnais d’éprouver une forte repulsion Ă  mon Ă©gard, mais je n’en Ă©tais probablement pas trĂšs convaincu; je continuais Ă  lui render visite.
C’est ainsi qu’un jeudi ne pouvant plus supporter ma solitude et sachant que, les jeudis, la porte d’ Anton Antonytch Ă©tait fermĂ©e, je me rappelai Simonov. En montant Ă  son quatriĂšme, je me disais justement que ce monsieur trouvait ma prĂ©sence pĂ©nible et que j’avais bien tort d’aller le voir. Mais comme cela se terminait toujours de la mĂȘme façon, Ă  savoir que ce genre de considerations ne faisaient,comme un fait exprĂšs, que m’encourager Ă  me fourrer dans des situations Ă©quivoques, je me prĂ©sentai tout de mĂȘme chez lui. Cela faisait presque un an que je l’avais vu.


Notes

‱ Allusion au Manfred de Byron, personnage fier et solitaire, trĂšs indĂ©pendant et vivant au mĂ©pris de tout danger.

.  | index








 
shim Home of Literature, Poetry and Culture. Write and enjoy articles, essays, prose, classic poetry and contests. shim
shim
poezii  Search  Agonia.Net  

Reproduction of any materials without our permission is strictly prohibited.
Copyright 1999-2003. Agonia.Net

E-mail | Privacy and publication policy

Top Site-uri Cultura - Join the Cultural Topsites!