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Yuctatmanah (L’obsession des mots
prose [ ]

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by [casandra carpe diem ]

2005-12-29  | [This text should be read in romana]    | 



Yuctatmanah (L’obsession des mots)
Trente minutes de retard ! Le froid était terrible. Il releva son col…Il prépara le thé. Le retard valait la peine. Il n’avait plus jamais rencontré tellement de force d’expression, tellement de foi dans le mot. Le froid de la chambre, l’attente…tout mérita. Enfin! La porte s’ouvra. Elle avait les yeux perdus. Elle avança. Elle se mit sur le canapé. Elle savait que c’était bien y rester assis. C’était comme cela que ça se passait d’habitude et, de toute façon, c’était plus doux et plus confortable que le lit du salon d’où elle était venu. Il lui tendit la tasse de thé. Elle la prit et regarda les vapeurs qui, laissées à se néantiser, roulèrent comme les lettres. Cela l’arrangea. Elle voulait continuer son histoire qu’elle avait laissée en air, terrorisée par le froid. Elle était sûre que les lettres allaient enfoncer les crocs en lui, comme dans un journal écrit avant. D’habitude, les choses se passaient de cette manière et elle ne pouvait pas envisager comment elles pouvaient être différentes. Le médecin, tout en s’asseyant devant elle, l’encouragea à recommencer son histoire.
L’été de 1952 ne semblait pas annoncer rien d’intéressant, dit-elle. Biensur, je devais faire quelque chose. Dans cet état, il n’y avait pas que moi, mais aussi, mes amis. Les six, sept avec moi- le numero magique- on se rencontrait chez moi, chaque jour. On voulait apprendre se laisser aller dans le verglas du langage, patiner sur le lambeau vitré des voyelles, sur les consonnes rocheuses qui, parfois, nous laissaient des traces saignants dans le cerveau et sur les mains, qui, bienqu’elles nous fissent mal, ne voulaient pas naître. Donc, on avait besoin de cracher des syntagmes entortillés, sans plus être obligés à les voler. On voulait être libres, inventer des mots incompréhensibles, qui n’étaient plus utilisés ou pensés par quelqu’un. On sentait en nous le désir de communiquer avec le monde. On commença tous avec les les lectures ; comme ça, en abondance. Le plus souvent les nuits appelaient les jours, les jours étaient la prolongation des nuits. On avait un jeu, un jeu à nous. Il était si intime qu’on se constituait dans une fraternité. On ne le jouait qu’entre nous. On lisais de divers passages et, après, chacun, à son tour, on devenait des livres. On se lisais, on faisait la lecture, le livre se lisait tout seul. Toujours, à son tour, on posait des questions au texte et celui-ci, répondait, se déroulait comme un fil qui se voulait être le fil de la sagesse. On entrait dans un ordre supérieur des miroirs à mille visages. On était soumi à une écographie littéraire en sept dimensions. Nous et le texte, on devenait une fraternité, on devenait substance. Les textes recevaient une vie, nous on prenait quelque chose de la mortification du livre. Comme les possédés on se tenait enfermés dans les formes des idées. Cette sorte de lecture je l’ai pratiqué longtemps. Bientôt, cela allait devenir un rituel. L’espace où on longuait à être livres demandait à être purifié avant l’acte de lecture. On tournait autour de la chambre avec les livres dans la main. Les fragments commençaient à chanter, à se chanter. Ils entraient dans une alternance vocalique, continué par une sonorité tremblente de sorte que les consonnes parraissaient des bribes cassées des pots d’argile. Tout prit forme, se visualisait. Le texte sautait du livre, les mots se mélengeaient, les sens étaient bouleversés dans l’impudeur universelle imposés par les lecteurs. Le nouveau texte avait une autre fonction connue que par nous. C’était amusant de voir comment certains prennaient la place aux autres. C’était un exercice de recreparvie.
- Un exercice de recreparvie, tu dis ?
- Oui . On est resté beaucoup sur ce terme. C’était notre premier acte de création. Ce n’est pas quelque chose de sofistiqué.
- Quand vous avez arrêté le jeu ?
- Jamais. C’est seulement l’unité physique qui s’est cassé. Il continue.
- Comment ? Radovski est mort, Maria, elle est comme elle est, de Petroveanu et Popescu, n’en parlons plus et Lacrin et Stroian se trouvent à Madrid. C’est au moins ça que j’appris de toi.
- Le jeu continue. C’était dimanche, la dimanche des Fleurs. Moi et Maria, on décida, finalement, d’aller à la messe de matin, après les longues insistences des parents. Les vêtements de dimanche étaient préparés. On n’avait pas tenu bon, quoiqu’ils eussent été choisis par une stupide raison. De toute façon, cela ne nous concernait plus. On traîna les pieds jusqu’au devant la cathèdrale. La messe fut trop ennuyeuse jusqu’à ce précis moment bizarre. " Quel moment ?’’ ‘‘Comment, vous n’étiez pas dans l’église, dit-elle.’’ ‘‘Il est possible que j’aie oublié, rappelle-moi.’’ ‘‘Un peu plus tard, dit Leonora, tout pris une tournure innatendue. Une femme un aspect de prostituée s’approcha de notre banc. Elle commença à nous pousser vers l’autel. La folle cria tout le temps : Ames du diable, vous avez crucifié le Christ ! Bouscoulees on se trouva par terre. Sur le socle où était assis Jésus crucifié c’était marqué en lettres profondément gravés : Nihil Sine Deo!
Nos yeux se rencontrèrent dans les lettres et se regardaient, se regardaient…Les paroles sautèrent de leurs places. Un trou profond, sans aucun sens, resta derrière. Ils se mélangèrent, changèrent leur sort. On commença à les chanter …… Si - De – Ne - O - Ni - Si - Hi - L – O… ils commencèrent à se chanter. Leur chanson avait quelque chose de caché, il nous réunit ; on était sept. On tournait autour de mots. Ils étaient autour de nous. Un cercle s’ouvrait, un autre se fermait, il se fermait encore une fois et il s’ouvrait à nouveau. La silence embrassa les lettres, les sons. Les os étaient muets. Dans cette fermeture- ouverture Le Christ descendit de la croix. Il était sur un ânon. La foule, devenue folle, entra. Il est l’empereur du monde ! Hosanna ! Chaque seconde silencieuse poussait la lettre vers la place d’où elle s’arracha. A nouveau , c’était marqué Nihil Sine Deo! Le Christ était à sa place comme s’il n’était jamais descendu de la croix. Maria se trouva devant l’autel. Elle tremblait. Elle poussait des sons incompris par personne. Les mains et les pieds lui saignaient. La foule épouventée nous jeta des insultes : Soyez maudits! Vous avez crucifié le Christ! Faites-le descendre, faites-le descendre ! Radovski me mit un billet dans la main. Il était sous la forme d’une pétale de rose. Puis, il disparut.
- C’était marqué quoi?
- Il était blanc.
- Il n’y avait rien, même pas une lettre ? Tu ne crois pas qu’il ait fallu écrire quelque chose ? Le mot était l’essentiel dans votre jeu !
- Ce n’est plus un jeu. Il est devenu une réalité…Il était blanc. Leonora fut transportée dans le salon. Elle traînait ses pantoufles dans les longues couloirs sans vie. Entra. C’était froid, terriblement froid. Les mains glacées traînaient et elle essayait se couvrir avec le pyjama. Personne ne l’aida. Les paumes apportaient avec elles le souvenir du thé chaud. C’est bien d’être docteur, ils se dirent. Tu n’as rien, mais tu as l’impression que tu as tout. Ton bureau, ton lit, ton sallon, ton malade. Au malade ne lui reste que le désespoir d’un grincement d’une porte. Et cela si tu as de la chance. C’est comme cela qu’il se passa. Après elle seulement le bruit d’une porte metallique. L’habitation était froide, très froide. Seuls les lits et autour tout était blanc. Marqua sur le mur avec un copeau d’ongle les paroles Nihil Sine Deo ! Leurs regards, qui étaient en réalité les siens, cherchaient quelque part dehors, à travers la vitre derrière le grillage. Leonora -- Ils virent le médecin. ‘‘ Que pense-tu, Radovski ?’’ ‘‘ Sur le médecin ?’’ ‘‘Oui, c’est de lui que je parle.’’ ‘‘ Il est limité. D’ici vient probablement la froideur de sa voix.’’ ‘‘Oui, oui, intervint Stroian. Il a peur de gens. Il a tellement peu de choses à dire qu’il parle tout le temps. Regarde comment il gesticule, le monsieur !’’ Petroveanu regarda avec attention sur la fenêtre. Il examina le médicin. Il n’avait pas de nom. Il portait un cognomen, médicin. Personne n’avait un nom. Touts les autres se nommaient patients. Le regard demeura interdit. Il tira Lacrin tout d’un coup près de lui. Ils commencèrent à épeler…Þ® - ψέ - θǽ - ў –σųς…….Popescu apparut. Leonora s’écria étonnée : Eh ! Les cheveux du médecin prennent la forme des lettres ! Ils se prirent par la main et ils commencèrent à chanter les formes alphabétiques qui étaient concrétisées par le débordement des cheveux du médecin. Les cercles se fermaient et s’ouvraient.
- Appelons le nom de Maria, dit Petroveanu. Parmi les lettres scandées, ils murmurèrent le nom de la septième personne. Maria entra dans la dance. Le cercle était complét. Pendant que lettres flottaient dans l’air, le corps de Maria se détacha du ronde paysanne. Ils se joignirent aux autres. Les pieds étaient réunis, l’un sur l’autre. Les mains étaient tendus sous la forme des ailes, la tête presque inclinée d’un côté le visage en bas. Saignait. Le rituel fut coupé par le médecin. Il vint avec le prêtre de la clinique.
- Sainte Vierge ! Il commença à jeter des croix à droite et à gauche. ‘‘Qu’est-ce qu’il y a, père ? dit Leonora.’’
- Ma fille, que Dieu te protège! Resiste contre le mal ! Il est ici au milieu de la chambre, c’est le diable.
- Diable ?! s’étonna le médecin. Je vois rien. Et il rit.
- Regarde, médecin, regarde ses traces sur le crépi ! Quelque part…., au-dessus le lit de Leonora…, ils murmuraient : Shaitani ya Baharini, shaitani ya celwitu, shaitani ya ziwani…..Leonora, Petroveanu et les autres de la fraternité, comme reveillés d’un sommeil prolongé tendirent les mains en ronde. Et les tendirent longuement, longuement en dépassant soixante-dix mètres. Ils chantaient, ils dansaient : Shaitani ya alpha, Baharini, Shaitani ya Omega celwitu, Shaitani ya….Le corps de Maria se trouvait dans le même état. Il saignait. Les cheveux commencèrent à se répandre, tout en nouant en chaque boucle une lettre. Les textes sautèrent des murs. Les mots se mélangèrent. Ils devenait sous le pouvoir de parler une pelote de feu, une matière sans forme. Des fois, ils étaient tergiversaient comme une plainte, d’autres fois à peine chuchotés et, à la fin, ils tombèrent comme d’un tonnerre.
- Sainte Vierge ! Sainte Vierge ! Après, Filius Dei ! Filius Dei ! (…) Amen ! et les croix suivaient. Le prêtre voyait tout ce spectacle.
Le médecin était épouventé. Il ne voyait que les deux filles : Leonora et Maria, qui levitait.
- Il doit y avoir une explication, dit le médecin après tout.
- Mon fils, le diable est l’être la plus perfide. Les filles sont possedées. Elles n’ont rien physiquement, elles ne sont pas malades, mais possedées.
- Monsieur, vos explications hilarantes, ne m’aident pas.
- Fais-moi confiance, fais-moi confiance ! Il y a qu’une chose qui peut les sauver : une exorcisation !
- Une exorcisation, vous dites ? Dans ma clinique il n’y arrivera pas.
- Comme tu veux, mon fils. Alors je dois parler a leurs famille.
- Tu ne cède pas ! Bien, ainsi soit-il ! mais tu les emmène à l’église, pas ici.
Les figures de deux filles paraissaient fatiguées. Elles étaient dans le même état. Le rituel n’avait pas fini. Maintenant, touts ceux de la fraternité dansaient autour de Marie qu’ils appellaient Yuctatmanah. Des gouttes de sang s’écoulaient des mains et des pieds. Chaque goutte, en touchant le plancher, se transformait dans une pétale rouge de rose. En tout, il y avait douze pétales de rose. La première pétale portait la lettre y, la deuxième u, la troisième k, la quatrième t, la cinquième a, la sixième t, la septième m, la huitième a, la neuvième n, la dixième a, et la onzième h. La dernière n’avait aucune lettre, était blanche. Les douzes pétales furent rammassées et emmnées dans la place où l’exorcisation allaient passer. Les filles accompagnées par les parents et le médecin, étaient assis dans le premier rang. La foule fonça dedans comme au cirque. Il y avait une exorcisation qui se passait! Maria était portée par le prêtre dans ses bras jusqu’à autel. Leonora les suivait. Le cortège des prêtres commença à chanter Messiah, leur répondait le chœur des plus jeunes : Sanctus, Sanctus, Sanctus ! Le plus grand entre les prêtres s’approcha aux filles.
- Comment t’appèle-tu jeune fille ?
- Leonora, on entendit.
- Et ta sœur ?
- Yuctatmanah.
- Maria, dirent d’une seule voix les parents et les médecin.
Le rituel fut repris et, parmi les vers religieux, on disait leur nom. Yuktatmanah prit la voix de l’air, elle levitait. Elle paraît crucifiée. Les mains les tenaient ouvertes comme si elle s’était réconciliée totalement avec le monde. Elle saignait. Les gouttes roulaient sur les pétales de roses qui donnaient naissance aux autres nouvelles, bénies. Toute l’église sentait leur parfum, c’était un parfum vif, frais. Une voix de la foule barra le son des chants religieux: Ce sont elles qui l’ont crucifié! Elle semblait à la même femme avec un visage de prostituée, décrite par Leonora. La malédiction éternelle est sur leur tête. Qu’elles le descendent de la croix! Dit-femme. La foule criait: Descends-le de la croix! Descends-le de la croix! Les prêtres avaient arrêté apeurés procession. Ils commencèrent à se laver les mains à l’eau , faire le signe de la croix…. Ils s’arrêterent devant le crucifix : Descends de la croix, descends ! La foule commença à se déchainer. Les voix des prêtres suivirent : Descends de la croix ! Ils se précipitèrent vers les pétales.
Le médecin était apeuré et le prêtre aussi. Les yeux de Leonora se figeaient sur les lettres d’autrefois : Nihil Sine Deo ! Maria saignait, elle devenait Un ; était Yuktatmanah. Les lettres se détachèrent de leur place. Le jeu recommença ; des chants religieux, des croix, des regards apeurés, furieux, extasiés, trompés et les voix des filles se mélangeaient dans l’air.
Jésus descendit de la croix, il n’avait plus plus son ânon. Il l’avait vendu. Des pétales de rose coulaient de ses mains. Chaque personne reçut une, sauf les deux, le prêtre et le médecin. Il y avait qu’une : la blanche. Le prêtre et le médecin se regardèrent. Les deux esperaient qu’ils allaient recevoir la pétale, qu’elle lui correspondait. Jésus la divisa, moitié pour le medecin, moitié au le prêtre. Le medecin la serra fort, en attendant…il regarda vers les autres. Les leurs étaient rouges.Il regarda sa moitié : la sienne était blanche, une croix blanche. Jeta un regard éffrayé vers le prêtre. Il pleurait. La sienne se transforma en corps, corps blanc.
Jésus se dirigea vers un escalier, il y avait que quatre marche : a, l, ph, a. Omega n’était pas. Le cercle resta clos. La foule, extasiée, la figure hideuse, commença à jeter dans les deux : Vous l’avez descendu de la croix ! Crucifiez-le !
Le prêtre et le medecin courraient ahuris vers la tour de l’église. Il cherchaient une issue. Bouleversés, ils élevaient leur voix vers les cieux : on n’as pas compris, on n’as pas compris, excuses ! Pas une réponse. Jésus descendit de la croix.
Crucifiez-le ! Crucifiez-le ! Dans la folie de l’incompris, leurs corps volaient en air vers la terre. Maria se réveilla : Si elle avait compris le tout !
A partir de cet été, 1952, les sept membres de la fraternité avaient l’habitude de lire et d’écrire ensemble.
- Ah, docteur, j’ai oublié ! Je reprends l’histoire et comme fond musicale je veux Keys To Imagination. Le medcin était absent. Le désir pour l’histoire, le plaisir du jeu linguistique, la belle folie de s’offrir soi-même par des mots commença à les comprendre, mais cela venait trop vite sur son être fatigué par l’ennui de la vie, par chaque instants du jour. En réalité, il se dit, les vrais malades étaient eux, les docteurs. Pourtant, il écouta …
Leonora dit : Moi j’ai encore peur des gens / l’absence abandonne ma plume en chemin / les feuilles bouleversées, les feulles blanches / pourissent dans la pomme intacte / la pomme crue. / Terrible frayeur, peur des gens / je retourne sur mes pas heureuse dans le vocable / je son de la peur devient logos / le silence l’amertume de l’hiver / cendre reversée sur ma langue / la peur des gens m’a attaché des ailes / ga-s-pe…deux par deux / un. Seul dans le jeu! / De sorte que l’envie de vol-vol m’a saisie! / De sorte que l’envie d’oiseau m’a saisie / lettre de la lettre d’envie…/ depuis hier encore, à trois heures. / De sorte que…/ De sorte que la gueule du gouffre! / je n’ai plus peur de la peur / de peur – / je la bois sous le silence de la parole / midi en flammes / délivrée en chemin. / Je la bois sous…Dieu.
Trente minutes de retard ! Le froid était terrible. Il releva son col…. Il n’avait plus jamais rencontré tellement de force d’expression, tellement de foi dans le mot…







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