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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-11-29 | [This text should be read in francais] | Le texte que je vous propose aujourd’hui s’inscrit dans une triple étymologie. Au commencement, il y avait la finalité sobre et économe d’une préface à la traduction complète de l’œuvre inédite de Samar Diab, celle qui divise le placement de mon discours entre traduction et étude et à laquelle je donne le titre provisoire de Poésies dialectiques. La seconde étymologie est celle qui résorbe la préface pour configurer et informer un but plus large et surtout plus ambitieux, à savoir, l’étude de la poétique de Samar Diab. Les frontières entre ces deux finalités, ces deux poétiques, la traduction et l’étude, ont eu un prolongement intermédiaire que j’ai développé en tant que présentation. La présentation intermédiaire assure la répartition inégale mais effectivement tripartite d’une lecture qui ne cesse d’invoquer des médiums d’abords et de débordements. Ces abords multiples se plaisent donc à suivre le fleuve implicite du débordement. Certes, le discours sur la poétique a toujours des manifestations de fragmentation tissulaire et frontalière à la fois. Aucune identité ne peut épuiser l’étrangeté de l’acte poétique quand sans raison le débordement tisse par la métaphore l’abord, ou par métonymie, sûrement de la partie pour le tout, déguisée en métaphore, l’abord éclaté devient, je ne sais par quel non-sens de régénération, de continuité et de transcendance, le restaurateur, le tisseur du débordement. Peu importe dans la création la blessure, l’abîme ou le pont puisque rien ne commence et ne finit comme unité et comme intégrité. La création se lie à la création par le débordement. Bien que le débordement soit une liaison et la liaison fleuve noué autour de l’explicite tissulaire, le débordement ne demeure pas moins une fragmentation où la conscience s’aiguille de l’implicite frontalier. En multipliant les abords, j’ai essayé de suivre le fleuve de l’implicite qui déborde de discontinuité mutiques avec les sons et les vocalises concrètes mais apprêtées de l’explicite qui offre au feu de la glaise docile. Ainsi se dessine et se finalise la continuité protéiforme pour dire quelques sonorités et échos révélateurs de la discontinuité sans que la multiplicité implicite ne menace la multiplicité explicite, sans que l’étrangeté de la voix ne couvre l’étrangeté du silence. La réception se nourrit de l’ « acte vert » (Bachelard) de la protéiformité dans l’implicitation et dans l’explicitation. La poésie tient l’essence de la parole à travers l’écriture de la dialectique. Il ne s’agit pas de la dialectique du concept pour la vérité absolue de l’unité, archétype majeure de L’Idée, ou même une dialectique du percept pour une syntactique absolue de la beauté, mais tout outrement, d’une dialectique de suspension révélant la négativité fameuse de l’affect à travers la conscience fragmentaire de la continuité. On touche là bien entendu au vif du paradoxe esthétique de la poésie. Le paradoxe de la création poétique c’est que dans son aspiration à une syntactique globale et globalisante de la beauté, elle développe des arrêts substantiels où la vérité absolue de la création est un arrêt majeur de la continuité. La poésie est cette suspension dialectique de la continuité dans la trame de la passion. Quand on parle de la suspension de la continuité, il faut prendre et la suspension et la continuité au sens d’Esprit. La poésie suspend l’Esprit dans la dialectique du sujet passionnel… Le sens cardinal de cet arrêt est une négativité constructive de l’exception créatrice. La dialectique poétique est une suspension de la continuité. Ainsi dans la suspension la poésie serait un retour violent, pour la sublimation de la négativité elle-même, à la parole reniée de l’affect avec cette caractéristique psychologique de la passion d’être une involution nodale plus qu’une évolution linéaire. La poésie construit l’essence et en dérive la négativité et la singularité par la sanction instinctive, la nature brute et brutale de l’affect. L’hybris de la dialectique, sa passion instinctive, son irrationalité historique et individuelle, ses laves éruptives du désir et de la volonté, constituent pour la poésie l’essence négative d’une parole qui se veut vérité, non pas unique, canonique et suffisante à l’instar de celle de la logique, mais vérité protéiforme de la thèse menant l’essence à se chercher dans la valeur suspensive de la non-valeur. La poésie triomphe par l’inutilité. Il n’y a pas donc plus grande suspension de la poésie que cette essence de la parole dans la poésie… dispersion, éclatement, confusion, contradiction : tragédie joyeuse de la parole et de son essence, anarchie consciente de l’essence de la parole dans la suspension… La poésie ne pense pas la dialectique dans l’acte froid de la sanction logique. La sanction philosophique de la dialectique crée un fossé ontologique entre la parole et son essence en insistant sur la monovalence de la vérité et du principe. La poésie préfère à l’unité de la vérité et du principe l’acte de la polyvalence à travers la négation qui se veut liberté positive et la positivité qui se veut inversement liberté négative. La vérité succombe et se résigne alors à la puissance de la liberté et la diversité. Il y a dans toute poésie la suspension dialectique de la vérité pour une parole qui expérimente sans valeur définitive de la finalité l’essence de la parole à travers l’en-soi exponentiel de la différence, de l’exception. En somme, à travers les valeurs dynamiques de la contradiction. Ceci implique l’esthétique de la non-valeur comme valeur fondamentale et majeure de la création poétique. La poésie de Samar Diab, parole éclatée de l’étonnement, traverse ladite suspension en faisant de la poésie l’essence vitale de la dialectique. La poésie depuis Baudelaire et toute la kyrielle généalogique de la malédiction se fonde source de la parole justement à travers cette ascèse essentielle d’éclatement où la vision poétique relève de la spirale dialectique. Le sens combatif de l’image dépasse l’analogie positive et positiviste pour incarner l’ontologie dans ses démesures les plus inconcevables. Un autrement dit, un autrement autre et un autrement outre autant qu’un mêmement dit, un mêmement même, et un mêmement outre, ce sont là les figures et préfigures dynamiques de la démesure qui donnent à la suspension imaginative toutes les conditions d’une dialectique de la somme et de la synthèse en même temps que d’éclatement et d’ouverture. Le sens de l’intensité poétique de Samar Diab s’annonce comme vision verticale de la négativité dans la mesure où la suspension est ouverture totale sur le remodelage, un remodelage centripète, des traces, des empreintes et des plis qui se sont fidélisés au positif stéréotypique de la stagnation… Samar Diab écrit dans toutes les possibilités de l’éclatement pour un négatif illuminé, pour une négativité d’illumination où le désir retrouve la valeur prééminente de la non-condition et de l’incondition. Par la négativité qui se nomme abondance compacte, compactitude, sa poésie donne à la suspension, et à travers la suspension, à la dialectique de l’image devant la stèle, devant le socle et le piédestal de la stéréotypie, du mécanisme et de la répétition vide, la valeur d’une viabilité radicale génératrice de la disponibilité de la sentence du compact, la sentence de la fixation, à se complaire à la fois dans la pesanteur de la sensation enracinée et la pesanteur de la sensation déracinée, d’où l’occurrence omniprésente de l’absurde dans la poésie de Samar Diab. Le déracinement opère à son tour la sensation de la suspension conçue comme nécessité de l’inachèvement liée à une vision organique et fonctionnelle de l’incertitude ou du désir hésitant, autrement dit de l’ouverture nouant et accentuant les habitus figés de la réalité, et de la sensibilité en général, pour une éternelle étrangeté de la stèle, du papyrus, de l’encre, des plis et des empreintes… La seule possibilité d’un quelconque achèvement et dynamisme dans l’esprit de la pierre reste le texte lui-même qui se cherche dans une seule et unique vérité : la constance de l’ouverture au cœur de la constance de la fermeture. Cette ouverture clôturée engendre la constance du compact. La constance est cette totalité dialectique martelée par l’alternance houleuse entre le rêve et la forclusion autour de l’axe la crispation et de la contraction. Bref, de tous les phénomènes de la réification. Ceci évidemment nous pousse à comprendre la constance comme vecteur essentiel de l’incomplétude. Une soif de la déliquescence. Il n’y a pas dans les textes de Samar Diab aucune suffisance qui signifie la plénitude de la vérité ou la suffisance de la subjectivité. D’ailleurs ni la suffisance subjective puisant dans une quelconque philosophie de l’action humaine ou humaniste, une éthique héroïque de l’action transformatrice et transcendante postulant quelques marges ou centres de triomphe à travers la volonté de l’esprit n’est envisageable dans sa poésie, qui en fait se voit et se titre corps et âme comme, pour ainsi dire, héroïsme négatif du destin dans l’impuissance totale de l’être, ni par ailleurs la suffisance objective puisant dans la puissance de la matière en tant qu’infini résistant ou en tant que précarité triomphante ne satisfait l’ampleur de la conscience rendue à l’évidence de l’échec. La poésie de Samar Diab tend dans le sens de l’enseignement éthique à se départir de toute volonté de puissance pour décrire et saisir l’être à travers la seule philologie d’un texte lucide de par sa fragilité et sa fluctuation immanentes. Ceci ne signifie pas que sa voix poétique est complètement dépourvue de la volonté de s’engager dans la vérité extrême de la dénonciation. Seulement, elle ne voit pas la dénonciation dans l’arrêt d’une clausule, dans les interstices d’une conclusion. Comme toute véritable poésie, la sienne dénonce avant tout la conclusion qui ponctue d’un point d’arrêt, de cloisonnement et de finitude l’horizon de l’imagination. La suffisance et la plénitude syllogistique se perdent dans l’insaisissable d’une vision qui ne retient de la mineure et de la majeure que les contradictions latentes qui rendent impossible toute vision finie de la conclusion. La suspension est affaire de vision. Et l’art acquiert son exception de ses visions auto-aporétiques qui n’ont que faire de la conclusion. Le propre de la vision est de n’être pas un pont d’attache mais un pont de suspension, d’envol, de médianeté et d’intermédianeté. Un pont initial et initiatique vibrant d’échos en deçà de la conclusion et au-delà de la mineure. Les textes de Samar Diab reflètent par la puissance de leur autonomie la tendance foncière de l’imagination à envelopper de vitalité animiste quasi chaotique la genèse du nouveau. Dans la mouvance de sa poésie il y a en critérium infrangible une sorte de texto-mania de l’écart où la création est sans cesse repoussée vers les limites à la fois internes et externes de la constance. Sa poésie est tension impossible et extrême du fil tenant la réalité dans la réification et le texte dans les schèmes massifs de la constance. Elle aiguise les oppositions et, à force de dénonciation immanentiste, elle en fait une textualité poétique de l’unité et de l’inséparabilité sous l’égide magistrale de la constance textuelle et textualiste, seule vérité à vrai dire de la constance dans cette poétique de la négation et de la rupture. L’opposition comme teneur centrale de la tension et l’inséparabilité dialectique du réel et du texte comme union de la tension et de la suspension font de cette poétique une quête absolue et frénétique, en deçà ou au-delà de toute contraction et tout dénouement, d’une sorte d’autotélie de la mouvance textuelle, à telle enseigne que la raison même de l’acte poétique pourrait se résumer à l’espace dynamique de l’imaginaire poético-textuel. On pourrait donc avancer avec certitude que l’essor distinctif et total de la possession et du dépassement qui caractérise la poésie de Samar Diab n’est qu’une stigmatisation du réel avec ses forces résistantes et déviantes dans l’acte et l’actuation poétiques par la marque de l’énonciation discursive qui cultive la tendance dévorante de saturer la marque du réel par la marque de la représentation pour y développer en épuration indélébile la trace absolue et majeure de la réalité dominée par l’imagination. La tendance figurante de l’énoncé et de l’imagination ne vise aucune possession de la trace hors sa négativité. C’est pour cette raison que la poésie de Samar Diab accuse dans l’accusation les traits de la réification. C’est pour cette raison aussi que la sentence de la réification n’embrasse la vérité du changement et de l’évolution que dans l’esprit soit de l’ironie et du sarcasme les plus désabusés, soit de la fatalité sacrificielle à l’enlisement et à l’échec. C’est pour cette raison encore que, dans cette poétique, la transcendance s’inscrit toujours dans une valeur ontologique intranscendable de la réification. L’angoisse prend le sens donc d’un échange dialectique entre l’arbre et la pierre où l’arbre, prenant conscience de sa finitude et de sa mort sous les yeux d’un bûcheron aveugle, se voit cendres se fossilisant et se réifiant. Il voit sa sève devenir pierre, d’où l’ironie tragique de la réification simultanée du bûcheron qui transpire dans l’idéal d’un feu à l’origine inconsumable. Le schème essentiel de cette poésie est l’indélébilité de la trace dans la mouvance infernale de la dialectique signifiant la manifestation de l’essence à travers la matière première de la figuration et du figuratif, c’est-à -dire l’apparence. Il faut préciser en fait que le credo esthétique d’une telle aventure dans l’essence de l’apparence se concentre dans ce qu’on peut appeler la constance négative du pli, la résistance compulsive du nœud dans l’enchaînement de la désillusion. Cette poésie a l’avantage parmi tant d’autres de rendre plénier l’état victime de la vision et d’en assurer la volonté d’être et de constance sans aucune illusion de dénouement ou utopie de dilution. Cette poésie fait accéder la trace à la nature vitale et dynamique de l’essence à travers une sorte de critique spiralesque relevant la question de la fixité et de la stagnation du plus profond de la scission entre la vision de l’apparence et la vision de la négation. La négation étant une valeur de dépassement de toute concession au pouvoir de la positivité. Un état de refus brut qui prononce le destin de la trace. La trace annoncée et dénoncée, la trace façonnée et rédimée, la trace consumée et assumée… il s’agit donc d’une éthique de l’engagement à partir de la perception vive, violente et virulente qui reste a priori fondamentale pour une poétique valorisant consciemment et inconsciemment la dialectique de la perception plus que la dialectique de la conception afin que celle-là reste dans son ampleur esthétique originelle de la beauté un substitut majeur et véridique, de la description de la trace conçue comme son unique légitimation. Pour Samar Diab la seule légitimation possible est de concevoir la beauté comme statut fini de la donation. C’est pourquoi elle opte totalement pour les canons et les normes de la figuration pure plus que toute métaphysique de transfiguration. Ou dans une optique plus paradoxale à l’image de la trame implicite de l’étymologie qui gouverne sa poésie, elle opte pour la métaphysique, non pas de la transfiguration, mais essentiellement de la configuration dans une sorte de majoration de l’explicite, de l’apparence, de la sensation, de la perception et de la figure. La poétique du complexe matériel, de l'apparence compacte, domine la poésie de Samar Diab de bout en bout. S'il y a lieu en fait de parler d'une nature métaphysique de cette poétique ce sera dans la sensation sculpteuse des contours évasifs de la perception et ses contours solides et imposantes. Le plus intéressant à ce sujet est de nommer cette métaphysique hors l'aspect de polissage car son essence dans la marque, l'empreinte et la sensation est d'être une palpation, un sentir tactile rugueux, en relief, en pointes acérées, toujours écorché par les ciselures vives de la matière brisée… Le fondement de la sensibilité matérielle de Samar Diab reste à mon sens totalement régi par une métaphysique de configuration qui tient à préciser les contours dans l'aspérité de la sensation. Il s'agit donc d'une figuration sensible de la matière blessée, d'une perception d'arêtes qui ne voit pas de limites entre le cri de l'âme et le cri de la matière. Foncièrement inscrite dans la dialectique de la perception et touchant, par conséquent, à l’essence de la beauté à travers l’immanence à la sensibilité pléthorique de la "beauté convulsive" cette poésie est un cri conçu en échos de la réification et du désir de pulvérisation. Dans cette poétique de réification il y a en latence une compulsion de pulvérisation. Comme l'épée de Damoclès, il menace l'intégrité du corps par la mort imminente, plus dévastatrice que la mort effective, celle en fait qui pulvérise l'âme en gardant au corps la sensation vive de la mort intérieure ou intériorisée, la mort invisible, la mort qui pétrifie la beauté. L'origine de cette esthétique de la constance et de l'apparence qui deviennent dans la poésie de Samar Diab un hymne à la volonté et à la liberté qui triomphe de la mort intérieure est justement ce compact de figement et de pétrification qui doit avoir dans un tournant quelconque de sa résistance un équivalent, ou plus exactement une négation de la suspension métallique, et qui arrive effectivement à forger la suspension lithique comme contredialectque. Pour Samar Diab la beauté est primordialement une question de perspectives, de lignes révélées par le déracinement. La convulsion est un déracinement. Une question problématique de manifestation et de concrétude qui reste l’absolu même de toute transfiguration ou transcendance possible. L’esthétique de la garde à cette poétique à la fois de la forme et de l’informe le vertige incommensurable de la sensation et du sensualisme en assurant à la suspension et à la dialectique la matérialité du feu et de la glaise. Il s’agit donc d’une poétique où la beauté doit garder le sens d’une statuette brûlée, d’un rêve à jamais lanciné par le froid et le feu. Un rêve forêt tenant le fil de l’attente ignée entre la cendre et la glaise, voilà le goût que me laisse sur le fuseau de la lecture la beauté d’une noyade dans la poésie de Samar Diab. © Monsif Ouadai Saleh, 2008 |
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