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Dialogues de la pâle Virginie
poetry [ ]
William Blake

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by [Lalande ]

2012-12-04  | [This text should be read in francais]    | 



La pâle Virginie, alors que la Nuit,
De sa noire cape trouée avait couvert la terre,
Au bord d’une rivière d’ennui,
Couchait sa tête sur les roseaux,
Et, au silence sans oiseaux,
À la sagesse des eaux, des arbres et des hêtres,
À la splendeur de l’herbe et des quenouilles,
Elle confia :
«Ce monde est sans tendresse pour moi,
Et de l’Homme je suis lasse, lasse à en mourir.
Il ne peut que se couvrir de sa honte,
Masquer le temps qui coule
Avec ses propos vains, et oublier
L’innocence avec laquelle il pensait à demain
Alors qu’il tenait dans ses mains
La coupe dorée du vin de l’enfance vénérée.
Comme le nuage qui masque le Soleil à l’aube,
Je m’évaporerai et il ne restera plus rien
De mon angoisse et des liens et des désirs
Qui tourmentaient mon sein.»
Les herbes et les quenouilles
Pleurèrent des larmes fraîches
Alors que le Soleil matinal paraissait, et
Que ses rayons filtraient à travers un nuage.
Un Brin d’Herbe se dressa, petit et délicat, et lui dit :
«Regarde-moi, qui suis si frêle, et que chacun de tes pas
Écrase. Et pourtant chaque matin je me tends et je cherche
La lumière, et j’en rêve durant la nuit. Regarde-moi,
Symbole de la fraternité, de l’amour,
Je pousse sur toutes les terres, et je rends le Sol
Doux et agréable, joli, odorant, j’en fais
Un endroit où il fait bon s’étendre et rêvasser,
Je suis la forêt des fourmis, lieux sacré des vers,
La nourriture des vaches, et quand je meure,
J’exhale ma vie au bénéfice de tous,
Et quand je vis, je vis au bénéfice de tous.»
La pâle Virginie tressaillit.
«Et moi, que suis-je, qui ne sert à rien
Aux fourmis, qui ne suis pas pâture pour les vaches,
Et qui s’évapore comme le nuage du matin ?
Si ce n’est que pour m’évaporer
De la mort lente et vaine,
Pourquoi ne laisserai-je pas les eaux
Entraîner ce corps inutile
Vers la mer ?»
Le Brin d’Herbe dit :
«Demandons au nuage son avis !
Nuage, nuage, parle de toi à Virginie,
Puisqu’elle dit que toi et elle vous êtes semblables !»
Et le Nuage dit :
«Ô quand le matin le Soleil levant
Me dissipe et me sème aux quatre vents
Mon âme s’étend et atteint une amplitude
Si grande que je vais sur chaque fleur,
Une partie de moi va louer les fleurs
Et embrasse, baiser rafraîchissant et céleste
La fourrure des moutons, le calice des roseaux.
Et je leur donne mon amour qui est comme une
Mélodie, mon amour de triste pluie,
Mon amour d’arc-en-ciel,
Et chaque matin, quand je me dissipe
Ce n’est pas pour disparaître
Mais pour me fondre
Dans la mystique nuptialité
Éternelle de l’Amour
Pour embrasser l’Univers
De ma fraîcheur qui lui est aussi
Nécessaire que le travail des vers
Et que la tâche de l’air, et que celle des ruisseaux.»
Ainsi, le Poète dit que
La rosée du matin
Est l’amour de Virginie
Qui vient rafraîchir
Le monde.


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