Mitraillée par la monotonie des horreurs
d'un monde vautré dans sa décadence,
je m'enfonce dans les duvets précaires
d'un quotidien à l'abri des challenges,
comptant sur les mots dernier-cri-du-coeur
pour illuminer ce ciel tétanisé au carbone.

S'ensuit une lassitude de l'imagination
et sa ration journalière de mythes officiels
plus volontiers digérés que disséqués :
ainsi, le drame trouble et la beauté attendrit,
l'originalité surprend et la routine rassure,
en cadence avec le métronome de la bienséance.

Ce n'est que dans les errances du demi-sommeil
que je retrouve le sentier de mes utopies,
pensées fossilisées qui émergent des faux cils
et brisent le huis clos de ma trappe intérieure
où tout n'est pas que succession de vagues sensuelles
et de hoquets au courroux à désamorcer.

Ce qui ne peut être exprimé dans le sommeil
et devrait, de toute évidence, être tu à l'éveil,
reprend alors sa place dans la cosm'agonie
de l'écrivain en quête de sa plume originelle.
Et pfuit ! l'orfraie quitte le nid du chiffonnier,
repêchant, avec fureur, ses plaisirs de l'encrier.

Trop souvent en silence, j'ai combattu mes interdits,
multipliant la valeur tectonique de mon extase
par l'indice péché du glauque de mon fantasme.
Cent mille mots à désassembler et à reconstruire
en un souffle qui devrait demeurer underground
de peur de provoquer une chasse aux sorcières ?

Aussi fastidieuse et justifiable que soit la cabale
animant les bien-pensants de tout acabit,
mon univers reste à crier et à décrier à tue-tête,
par respect pour ma propre intuition de la vérité.
Et si un écho réverbère aux confins de mon délire,
je l'accueille et l'englobe sans plus de pudeur.