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double vie (tous les épisodes)
prose [ ]

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by [BOKAY ]

2005-10-15  | [This text should be read in francais]    | 








Double vie N° 1(l’appart.)


Depuis toujours je rêve de mener une double vie. Comme je suis de corpulence fine, me mettre dans la peau d’une femme m’attire énormément. Homme le jour, femme la nuit ou homme un jour, femme le lendemain, je ne sais pas trop. Mais en ce moment, j’ai une autre préoccupation, je suis à la recherche d’un appartement. Passant rue de Vaugirard, je vois deux écriteaux côtes à côtes : « Appartement à vendre ». On accède au premier rue de Vaugirard et l’entrée du second se situe dans une petite rue. Je les visite tous les deux, ils sont petits et me plaisent bien. L’un ou l’autre me conviendrait très bien, mais je ne sais lequel choisir.
C’est alors qu’une idée bizarre et tortueuse comme il m’arrive souvent d’en avoir me traverse l’esprit : « Et si j’achetais les deux, un pour moi, Alex et un pour mon double, disons Elodie ? Financièrement, ça va être juste mais ça ira. Les deux appartements ayant un mur mitoyen, il me suffirait de le percer le mur pour passer d’un appart à l’autre et de sortir par exemple en Homme rue de Vaugirard et en femme dans la petite rue !
Cette idée me ravit et trois mois plus tard, je réalise mon rêve. Je suis Monsieur Alex Pelletier pour le premier appart et Mademoiselle Elodie Lemaire pour le deuxième. La même et unique personne. J’achète perruques, faux cils, faux sein, lentilles de couleurs, maquillage, chaussures, vêtements, enfin tout un attirail qui me permet de sortir en femme sans éveiller le moindre soupçon. L’appart acheté, je perce un trou de soixante centimètres de large dans le mur et je le camoufle en fausse bibliothèque pivotante. Ainsi je peux me rendre d’un appart à l’autre, ici c’est Alex et là c’est Elodie. Par la petite rue quand je sorts, c’est : « Bonjour mademoiselle Lemaire, comment allez-vous ce matin ? » Et si je sorts de l’autre côté : « Encore un fichu temps, monsieur Pelletier, comment allez-vous ? ».
Je suis devenu deux identités tout à fait distinctes et personne n’a encore rien remarqué. Je reçois du courrier (que je m’envoie souvent moi-même) aux deux adresses. Je réussis assez bien ma transformation car, eh oui ! Mademoiselle Lemaire se fait draguer. Je parle facilement et je commence à connaître des gens. J’ai sympathisé avec un homme de mon immeuble rue de Vaugirard, où je suis monsieur Pelletier. Nous parlons souvent ensemble, et une fois que je lui demandais s’il n’envisageait pas de prendre femme, il me répondit qu’il en avait remarqué une dans l’immeuble d’à côté. Je connais même son nom, me dit-il, elle s’appelle Elodie, un joli nom n’est-ce pas ? Mais quand il me demande si je la connais, je préfère répondre: « ah, non, je n’ai pas ce plaisir !
De l’autre côté, celui de mademoiselle Lemaire, je me suis fait une amie, Serine, la voisine du dessous, une femme charmante dont le mari ne cesse de me faire des avances. Tout se passe admirablement bien et je ne me suis jamais aussi bien amusé.
Après quelques mois de cette vie passionnante mais, oh combien compliquée, une certaine stabilité s’installe. je vois de plus en plus souvent Serine, je suis pour elle une bonne copine, et ma présence ne déplaît pas non plus à son mari. Serine est très jolie, brune de taille moyenne aux formes avantageuses, sa présence m’est de plus en plus agréable. Je me sens auprès d’elle comme jamais je ne me suis senti avec une femme. Un moment, je me suis même demandé si elle n’éprouvait pas des sentiments pour moi ! Ca aurait été le comble ! Mais non, ouf ! Ce n’est que de l’amitié. Par contre il n’en est pas de même pour moi, je deviens complètement fou d’elle, à tel point que j’ai même envisagé de tout lui dire et de lui avouer mon amour. C’est là qu’une autre idée me vient, encore plus farfelue !
Je me met en tête de lui faire rencontrer Alex, je monte un petit scénario dont la principale difficulté est qu’il est bien sûr impossible de voir Alex et Elodie ensemble, puisqu’ils sont une même et unique personne. Je commence par lui dire que j’ai rencontré un type formidable nanti de toutes les qualités qu’une femme recherche chez un homme. Chaque fois que je rencontre Serine, je lui parle d’Alex. Elle commence à me poser de plus en plus de questions à son sujet. Je lui dit qu’il l’a remarquée et qu’il la trouve ’’ super canon’’, c’est le superlatif que j’ai employé. Par petites touches, je fais entrer Alex dans la vie de Serine. Maintenant, c’est elle qui me demande de ses nouvelles. Afin de ne pas lui donner mauvaise conscience et de lui laisser le champ libre, je dis à Serine qu’Alex n’est qu’un ami pour moi, que nous nous connaissons depuis l’enfance et que nous sommes comme frère et sœur.
De mon côté, je commence à avoir quelques doutes sur ma double identité car maintenant Serine me connaît très bien et j’ai peur qu’elle me reconnaisse lorsque je serai près d’elle en ’’ Alex’’. Je me maquille de mon mieux, mais le doute subsiste, surtout en ce qui concerne ma voix. J’arrive à prendre une voix féminine sans trop de difficultés, mais j’ignore à quel point la voix d’Alex (la mienne) et celle d’Elodie (la mienne aussi) se ressemblent. Afin d’organiser une rencontre, je lui dis qu’Alex écrit actuellement un livre sur ‘ La vie des femmes à Paris’ et qu’il désire la rencontrer pour les besoins de son livre. Serine accepte mais à condition que je vienne avec lui. Je la rassure en lui disant : « mais bien sûr que je viendrai avec lui ! »
Samedi matin, c’est le jour tant attendu, je suis tendu et nerveux. J’ai fait un effort particulier pour me transformer en Alex avec petite moustache, sourcils bien collés et lentilles marron. Je parle tout seul dans mon appart pour bien entraîner ma voix vers une tonalité plus grave qu’elle n’est en réalité et je m’entraîne une dernière fois à bien placer les contractions de mon visage.
Arrivé sur le palier, je pose un doigt tremblant sur le bouton de la sonnette, la porte s’ouvre.
--- Bonjour Monsieur dit Serine, je vous attendais, Elodie m’a parlé de vous.
--- Bonjour madame dis-je, soulagé que Serine ne m’ait pas reconnu au premier coup d’œil. La discussion s’installe, je suis on ne peut plus anxieux, j’ai peur que ma voix grave ne fasse artificielle et que Serine découvre la supercherie. Mais non, ça va, tout se déroule selon mes plans. Nous parlons d’Elodie.
--- C’est une chouette fille ! Dit Serine. Il paraît que vous vous connaissez depuis l’enfance ?
--- oh oui ! dis-je, il y a très longtemps que nous nous connaissons, elle est un peu comme ma sœur.
--- Elle devait venir, dit Serine mais elle a certainement eu un empêchement de dernière minute.
--- oui, probablement.
La discussion se poursuit, je reste sur mes gardes et je prends des postures inhabituelles pour ne pas éveiller ses soupçons. Je ne pensais pas réussir à ce point, et content de moi, je tremble et jubile en même temps. J’aborde le sujet de mon livre et lui pose une quantité de questions. Elle rentre dans mon jeux et s’applique à me donner des réponses réfléchies. Elle me donne même l’impression de s’intéresser à la rédaction de mon ouvrage. Mon plan est de favoriser les rencontres en utilisant la rédaction de mon livre. Je lui dis aussi que si elle participe aussi activement, son nom apparaîtra en première page en qualité de collaboratrice. Ravi par cette idée, elle arbore un large sourire. Oui, je peux dire que mon premier contact en qualité ‘d’homme’ est un succès et sa collaboration à la rédaction de mon livre est la garantie de rencontres futurs.
Mes visites chez Serine sont de plus en plus fréquentes, une fois c’est Elodie, quand son mari est là, une autre fois c’est Alex quand elle est seule bien sûr. Je suis de complètement fou d’elle mais j’attends le moment propice pour lui avouer mon amour tout en préservant mes deux identités.
Ce sera pour demain, oui c’est décidé, demain je lui avoue mon amour. J’essaie de ne pas trop y penser car à chaque fois tout mon être tremble, mais j’en suis sûr, demain je trouverai la force…
Fin de la première partie.



Double vie N° 2 ( la passion)

C’est le grand jour, j’ai décidé de déclarer ma flamme à Serine. Je ferme la porte de mon appart, descends les escaliers en me répétant pour la centième fois les mots qui me pèsent tant. Dehors, il fait un temps épouvantable, la pluie frappe le trottoir en grosses gouttes. Les voitures projettent de violentes giclées d’eau en rasant le caniveau. Je n’ai que quelques dizaines de mètres à parcourir mais je me fais du souci pour mon maquillage. J’aurais l’air malin si ma moustache ou mes sourcils se décollaient ! Allons ! courage ! me dis-je, ne cherche pas une excuse pour te dérober.
Serine m’ouvre, Elle porte son T-shirt rouge rehaussé d’un imprimé sur le devant, celui que je préfère car il moule sa poitrine à la perfection. Fidèle à son habitude, elle me prie de m’asseoir, se dirige vers le bar et prend deux verres et une bouteille de whisky. Tout en se déplaçant, elle me demande où j’en suis avec mon livre ? Je la regarde… Quelle est belle ! Surprise que je la regarde avec autant d’insistance, elle s’immobilise quelques secondes, me fixe et me dit :
--- Quelque chose ? J’ai quelque chose de bizarre pour que tu me regardes ainsi ?
--- Non, non Serine rien, dis-je un peu gêné.
Sur la chaîne hifi, Gloria Gaynor chante ‘ I will survive’. Une chanson qui me remue les tripes chaque fois que je l’entend. Nostalgie de la coupe du monde ? En tous cas c’est le moment me dis-je, qu’est-ce que tu attends, vas-y ! Je tente de rattraper sa dernière phrase.
--- Où plutôt si, il y a quelque chose dis-je, mais je ne sais pas comment te le dire ?
--- Allons Alex, Explique ! T’as un problème ? tu peux m’en parler, nous sommes amis maintenant.
--- Oui, c’est bien le problème, dis-je.
Serine regarde Alex, acquiesce un léger sourire et va s’asseoir dans le canapé.
--- Viens à côté de moi dit-elle, allez ! raconte ce que tu as sur le cœur. Tu ne serais pas amoureux, par hasard ?
--- Ca se voit tant que ça ?
--- Allons, fais pas cette tête ! C’est formidable d’être amoureux !
--- T’as pas compris Serine, je suis amoureux, oui, amoureux fou, c’est vrai, complètement fada… Mais de toi ! oui, je suis fou de toi ! Tu ne peux pas savoir à quel point je t’aime, et ce qui me torture c’est que toi, ton cœur est déjà pris, tu as ton compagnon, moi je ne suis qu’un ami.
Je me sens vide, soulagé mais vide, comme si tout l’intérieur de mon corps s’était vidé d’un seul coup ! J’attends sa réaction où plutôt je la redoute. Ces quelques secondes sont interminables, son regard semble se figer. Puis, je devine la commissure gauche de ses lèvres qui se plisse, et le pli s’accentue jusqu’à devenir un léger sourire. Elle tourne la tête doucement vers moi, se rapproche, accentue son sourire et lance sa tête au creux de mon épaule. Je sens ses cheveux me caresser le visage, je ne bouge pas, est-ce un signe amical ? Mais bientôt une main glisse le long de mon buste et l’autre me caresse le cou, le doute s’efface. Elle relève doucement la tête, son menton se colle contre le mien, ses lèvres se rapprochent et viennent se fondent aux miennes. Je passe ma main sous son T-shirt, je sens le contact de ses seins, enfin ! Les battements de mon cœur s’accélèrent, Le plafond se met à tourner, puis à vibrer, je me sens partir, nous sommes transportés.
Combien de temps sommes-nous restés ainsi dans cette forme d’apesanteur ? Mais Serine se relève d’un bond.
--- Mon ami ! Il va rentrer dans un instant, tu dois partir !
Quelle heure est-il ? Je n’en ai pas la moindre idée, je sais qu’il fait nuit, c’est tout. Qu’importe le reste ? Qu’importe le monde ? J’ai le sentiment que Serine m’aime et je me sens transporté. Je rentre et me mets au lit.
Quand je me réveille, le soleil est déjà haut dans le ciel, il se faufile à travers les rideaux de ma fenêtre et projette des formes abstraites sur le mur. Un coup d’œil sur mon réveil, merde, j’ai raté un rendez-vous important ! je devait négocier la vente d’un magasin de fringues dans le Marais. Bah ! j’en mourrai pas. J’ai hâte de revoir Serine, je sais que ce ne sera pas possible aujourd’hui car son ami est là. A moins que…Et oui, il y a une solution, c’est Elodie qui va allée voir Serine ! En plus son ami sera ravi de me voir !
Je me maquille avec soin, revêt mes habits féminins et me rends chez Serine. C’est son ami qui m’ouvre avec un large sourire, sa façon de m’embrasser me dégoûte. Je suis sûr que si Serine n’était pas là, il essaierait de m’embrasser sur la bouche. Ce type me dégoûte de plus en plus ! Pas seulement parce qu’il couche avec la femme que j’aime, mais parce que c’est un gros porc arrogant et au regard vicieux. Je ne comprends pas ce que Serine lui trouve ! Je me mets à côté de Serine et comme je l’avais prévu, elle m’entraîne à l’écart dans sa chambre et me raconte son aventure avec Alex. Je joue le jeux de mon mieux, je fais l’étonner et rajoute des interjections, Pas possible ! Et il t’aime ! Quelle chance tu as ! Pour creuser un peu, je lui dis :
--- Et ton ami, tu ne l’aime plus ?
A ma grande surprise, je n’ai obtenu aucune réponse. Elle change de sujet et me demande pour quelle raison elle ne m’a pas vu hier alors que je passe tous les jours chez elle. J’invente un mensonge minable. Par moment, j’ai l’impression d’être découvert, alors je m’efforce de prendre des attitudes plus féminines. Pour ce qui est de mes futures visites, je prends les devants et lui dis que je vais probablement partir quelques jours à la campagne. Le plus difficile pour moi, c’est d’être à quelques centimètres d’elle, de sentir son souffle, de suivre les mouvements de ses yeux, de ses lèvres et de rester de marbre. Et l’autre qui n’arrête pas de me faire de larges sourires !
Deux semaines se sont écoulées, je vois Serine presque tous les jours mais par chance son ami est souvent absent. Tout va pour le mieux entre nous mais un détail attire mon attention, Serine refuse catégoriquement de faire l’amour s’il y a la moindre lumière dans la pièce. Bah ! Une lubie de femme me dis-je les premières fois ! Mais c’est bizarre, ça ne colle pas à son tempérament et j’ai l’impression qu’elle veux cacher certaines parties de son corps. Je ne lui fais pas remarquer mon étonnement, mais j’observe à la dérobée. J’aperçois certaines parties sombres sur son corps. Je pense de suite à de l’eczéma ou à une maladie de peau. Je ne dis rien, mais voilà qu’en la serrant plus fort contre moi, elle pousse un cri qu’elle retient aussitôt.
--- Oh ! Je t’ai fais mal ma chérie ? lui dis-je.
Et je profite de l’occasion pour allumer la lumière. D’un mouvement brusque, elle ramène le drap sur son corps. Elle sait que j’ai vu ce qu’elle cherche à me cacher depuis le début. Je m’approche d’elle, je tire doucement le drap, elle n’oppose aucune résistance. Stupéfait, n’en croyant pas mes yeux, je découvre des bleus et des traces de coups sur tout son corps ! Je n’ai jamais vu pareille chose, c’est horrible, inhumain !
--- Qui te fait ça ?
Pas de réponse. Serine se jette sur son lit en sanglots. Je pose une main sur son cou et reste ainsi quelques instant puis réédite ma question.
--- C’est ton Ami ?
--- Oui, dit Serine faiblement
--- Quel salaud ! dis-je, Et tu ne portes pas plainte ?
--- Il m’a dit que si je portais plainte il me tuerait.
--- Mais il faut faire quelque chose dis-je ! Tu ne peux pas continuer ainsi !
--- Mais quoi faire ? Je ne sais pas et j’ai peur, dit Serine.
Je promets à Serine de trouver une solution pour empêcher cette brute de la tabasser ainsi. Déjà l’ébauche d’un projet machiavélique germe dans mon esprit révolté.
Fin de la deuxième partie




Double vie N° 3 ( l’amnésique)


Je rentre à mon appart, triste et contrarié. Cette ordure doit payer ! On ne frappe pas une femme ! Je dois agir vite, arrêter cette brute immonde ! Non je ne le laisserai pas tabasser la femme que j’aime, même si pour cela je dois employer des méthodes que je récuserais en d’autres circonstances. Je me cale confortablement dans mon fauteuil et peaufine ma vengeance.
Serine m’a laisser entrevoir une idée qui ne me déplaît pas et une demi-heure plus tard, les grandes lignes de mon plan sont définies. je vais agir en douceur, tout dans la dentelle. Pas de menace ni d’ultimatum. Avant toutes chose, je dois rendre visite à Serine sous mon identité d’Elodie. Elle me racontera très certainement sa dernière rencontre avec Alex et la découverte des traces de coups. Ensuite, je lui dirais que Alex et moi, nous allons agir pour que cette brute ne la frappe plus. Je m’arrangerai pour être encore chez elle quand Max (c’est le nom de cette ordure) rentrera car à partir de maintenant, ce qui importe, c’est de me faire bien accepter de ce type, que je devienne en quelque sorte son « ami(e)». Serine me donne quelques bonnes idées pour mener les opérations à bien, et je la sens enthousiaste.
Max est ravi de voir qu’Elodie lui porte autant d’intérêt, mais je reste sur mes gardes. L’autre jour, il me dit qu’on pourrait se tutoyer, je lui ai répondu que je préférais le vouvoiement. Il m’est de plus en plus pénible de jouer l’hypocrite avec cet individu mais… Enfin le plan démarre.
C’est un lundi, Max rentre de son travail, il décapsule une bière et se jette dans son fauteuil.
--- Qu’est-ce que c’est que ce gros carton dans le couloir ? demande Max.
--- Mais c’est la nouvelle télé que tu as commandée !
--- J’ai jamais commandé de télé ! dit Max
--- Mais si, je t’assure tu as dis que l’image de la nôtre était mauvaise, tu as pris le téléphone et tu en as commandé une veuve. Demande à Elodie, elle était là quant tu as téléphoné.
--- Oui, c’est vrai dis-je, j’étais là quand vous avez passé la commande !
--- C’est bizarre, je ne me souviens de rien !
--- Moi, ça ne m’étonne pas, dit Serine, j’ai déjà remarqué que tu oubliais pas mal de chose. Par exemple, hier Elodie t’as demandé si tu voulais bien lui ramener le magazine ‘Géo’, Tu as dis oui, mais tu as oublié !
--- Je ne m’en souviens pas non plus dit Max ! Ah c’est quand même bizarre !
J’ai enregistré la voix de Max et je m’entraîne à l’imiter. Je m’amuse à imiter des voix depuis mon plus jeune âge, et là je sens que ça va me servir. Pour me rendre compte de la qualité de mon imitation, j’appelle Serine en prenant la voix de Max. Ca marche ! Elle ne se rend compte de rien !
Je le dis à Serine, elle réfléchit quelques secondes et me donne une idée.
Max travaille dans l’entrepôt d’une grande surface. Je sais qu’il doit prendre son travail à treize heures. Le matin, j’appelle son chef en prenant la voix de Max et lui dis que je ne viendrai pas travailler, qu’il est une tête de con et que j’en ai marre de voir sa gueule. Au bout du fil, l’homme me répond : « tu peux passer à la compta, ton compte sera prêt ! Je sais, c’est dégueulasse de faire ça, mais j’irai jusqu’au bout de mon plan.
A treize heures, Max se présente à son travail,
--- Ton compte est prêt Max, tu passes à la compta, comme ça tu ne verras plus ma gueule, dit son chef.
--- Mais je ne comprends rien dit Max ! j’ai jamais dit que je ne voulais plus voir ta gueule ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
--- Si tu ne sais plus ce que tu dis, faut te faire soigner ! dit son chef.
Le ton monte, une vive altercation oppose les deux hommes, Max en vient même aux mains. Conséquence logique, c’est la porte immédiatement et sans indemnité. Furieux, Max rentre chez lui, Elodie et Serine sont là. Max monte dans une colère monstrueuse, commence à casser de la vaisselle et nous prend à témoins tout(es) les deux.
--- Vous m’avez entendu téléphoner à mon chef ? Quel menteur ! j’aurais dû me méfier de ce type !
--- Oui, bien sûr, que tu lui as téléphoné ce matin, tu t’es même disputé avec lui, tu lui as dis qu’il n’était qu’un con et que tu ne voulais plus voir sa gueule, dit Serine.
L’air hébété, Max se tourne vers Elodie et la regarde fixement, attendant une réponse de sa part.
--- Je n’étais pas là ce matin dit Elodie, mais Serine m’a raconté la dispute que vous avez eu au téléphone en arrivant.
--- Mais je sais quand même encore ce que je dis et ce que je fait ! Dit Max.
--- Oui, bien sûr, dit Serine, mais tu as un problème avec ta mémoire, tu dois voir un médecin. Elodie le dit aussi.
--- Oui, dit Elodie, ce n’est peut-être pas grave, mais vous devez voir un médecin au plus vite !
Le lendemain, Alex entre en scène, la mayonnaise prend, nous devons continuer à le déstabiliser, ne pas lui laisser le temps de se reprendre et l’amener à douter de lui-même.
Max ne connaît pas Alex, c’est une chance et j’ai la ferme intention de tirer partie de cet atout. J’ai remarqué depuis assez longtemps que Max passe chaque jour au Café PMU, à un kilomètre de chez lui. Il s’y rend en voiture et achète son paquet de cigarettes, son journal et se commande un café. Je le guette de ma fenêtre et dès que je l’aperçois, je monte sur mon vélo et me dirige vers le café, le double de ses clés de voiture dans ma poche. J’arrive peu après lui et pendant qu’il est au café, je monte dans sa voiture et la déplace de quelques centaines de mètres. Ensuite je reviens à l’endroit ou il s’était garé et mon vélo à la main, je fais semblant d’attendre quelqu’un. Max revient du Café.
--- Ma voiture ! Non, c’est pas vrai, on m’a volé ma voiture, je l’avais garé là, juste devant, c’est une Clio rouge. Pardon Monsieur, vous n’avez pas vu quelqu’un partir avec? me demande-t-il.
--- Ah non ! personne, j’ai même pas vu de Clio rouge et pourtant, ça fait une demi-heure que je poireaute ici. Mais attendez, j’y pense, je vous ai vu arriver, vous avez même garé
votre voiture là-bas, plus loin. Ca m’a frappé car mon frère a la même voiture que la votre et je pensais que c’était lui.
--- Je comprends rien, rien dit Max, en ce moment j’ai des pertes de mémoire… Ah, merde.
Je regarde Max, il va jusqu’à sa voiture, en fait plusieurs fois le tour et s’installe au volant. Moi, je rentre chez moi au plus vite, je me travestis en Elodie et je vais chez Serine. Max est là.
--- Il m’est encore arrivé un truc pas croyable ! dit Max. Il raconte son histoire
--- Faut pas rester comme ça dit Elodie, il faut voir un spécialiste. Est-ce que vous vous souvenez que je vous ai dit ‘bonjour‘ devant le café ? je vous ai même vu discuter avec un type qui avait un vélo.
--- Non, je m’en souviens pas dit Max ! Tout ça à commencé quand on a reçu la télé ! Cette putain de télé !
--- La télé ! de quelle télé parles-tu dit Serine ?
--- Mais de la télé qui était dans le carton quand je suis rentré du boulot ! Ca je m’en souvient, j’en suis sûr !
--- Il n’y a jamais eu de carton de télé ! Dit Serine en prenant un air triste.
--- Non, dit Elodie j’ai jamais vu de carton de télé.
--- Mais c’est pas possible, je deviens fou ! dit Max.
--- Mais non ! Dit Elodie, vous n’êtes pas fou Max, vous avez seulement des problèmes psychiques et vous devez vous soigner sinon cela risque de s’aggraver.
Max se dirige vers la glace, il se regarde, puis nous regarde, son visage se crispe, il devient rouge. Je sens une force étrange monter en lui, il se met à trembler, il ouvre toutes les portes des placards et lance tout à terre en criant de toutes ces forces :
--- Je suis fou ! complètement fou ! tout le monde est fou, c’est la fin du monde et tout le monde est fou !
Et il continue à tout renverser et à casser tout ce qui lui tombe sous la main. Pendant un instant, il fixe le gros couteau de cuisine et je prends peur. Mais non, il se dirige dans la chambre et se met à arracher la moquette. Une vraie bête furieuse ! Je remonte chez moi au dessus et j’appelle le SAMU. Dix minutes plus tard, le SAMU et la police sont là, ils constatent les dégâts et emmènent Max. Moi, je ne me montre pas, je me change, me maquille et une demi-heure plus tard, c’est Alex qui frappe à la porte de chez Serine.
Serine me demande si je n’ai pas vu Elodie, je lui dis qu’elle m’a téléphoné et qu’elle m’a raconté pour Max. Elle m’a aussi chargé de te dire qu’elle se rendait chez son ami.
Serine me regarde, toujours aussi belle, mais je la sens lessivée. Elle à reçu des nouvelles de Max, il a été transféré dans un hôpital psychiatrique . L’appart est un vrai champs de bataille ! Il a cassé tout ce qui se présentait à lui, enfin ça fait partie des risques du plan que j’ai échafaudé ! Devant ce désastre, Serine et moi, nous nous affalons dans le canapé. Je devrais être satisfait, le plan que j’ai imaginé, avec quelques conseils de Serine, je dois le dire, à marché à merveille ! Oui, peut-être même trop bien car je réalise le caractère atroce de cette action. Je me demande si elle n’est pas disproportionnée ? Et si l’état de Max empirait et qu’il finisse sa vie à l’asile ? Serine ne dit rien, cette éventualité ne semble pas la gêner. Max la battait, c’est vrai, j’ai vu les bleus et c’est une brute, oui ! Mais cela ne m’empêche pas d’avoir une part de responsabilité dans ce désastre ! Max est devenu mon outil, je me suis servi de lui pour l’anéantir. Je réalise qu’il n’est qu’une brute grossière à l’allure gauche et sans cervelle. En fait, j’ai profité de sa faiblesse d’esprit pour le manipuler ! J’ai voulu rendre justice moi-même mais maintenant me voici seul avec ma conscience et elle me réclame des comptes ! Je me sens sale, je ne me dégoûte pas, mais je sens ne pas avoir suivi ma conscience. Je ne suis pas fière de moi. En plus, qu’est-ce que je connais de Max ? Est-il vraiment cette brute immonde ? Certains éléments commencent à me faire douter et je réalise que ce plan est horrible et inhumain. Il est bien temps ! Mais, je m’interroge.
Pour quelle raison Max frappe-t-il Serine ? Je ne vois aucun élément de réponse. Pourquoi Serine ne s’est pas sauvée pour échapper aux coups ? Pourquoi m’a-t-elle poussée à faire renvoyer Max de son travail, alors qu’il représente la principale source de revenu du ménage ?
Fin du troisième épisode







Double vie N°4 (Max )

Voici une semaine que Max est hospitalisé, Serine est allée le voir deux fois. Quand elle revient, je lui demande des nouvelles de son ami mais elle reste évasive et me saute au cou en me disant : « n’y pense plus, mon chéri, tu m’as délivré des griffes de cette brute, c’est la seule chose qui compte ».
Côté amour, c’est vrai, je suis comblé ! Serine et moi connaissons l’amour parfait. Que c’est agréable ! Jamais un mot plus haut que l’autre, toujours attentionnée, gentilles et sensuelle… Serine serait donc cette perle que chaque homme rêve de rencontrer ?
Lorsque l’on est sur un nuage, difficile de rester conscient et lucide, on se laisse porter par les doux plaisirs du moment. L’objectivité et l’esprit critique s’effacent et on perd pied dans cet océan cruel et rude qu’est notre quotidien. Par chance, je suis négociateur en bien immobilier et mon métier, m’oblige à garder les pieds sur terre. Joël, mon collègue de travail ignore tout de ma double identité mais est au courant de mon aventure avec Serine. Je le tiens pour une personne posée et réfléchie. « Je suis content pour toi ! » me dit-il, mais moi, à ta place, je ferais ma petite enquête, j’essaierais d’en savoir davantage sur Serine et sur Max. Bien qu’au fond de moi-même je trouve cela tout à fait inutile, je décide cependant de suivre ses conseils. Je vais commencer par rendre une visite à Max, à l’hôpital.
Je suis un long couloir aux murs bleus agrémentés de photos de paysages. Max est à la chambre 47, la porte est ouverte et je rentre.
--- Oh ! excusez-moi monsieur, je me suis trompé de chambre, je cherche une jeune femme brune… Mais ? Excusez, Vous ne seriez pas la personne qui avait perdu sa voiture, une Clio rouge, en face le PMU ?
--- Oui ! dit Max, c’est bien moi, toujours mes problèmes de mémoire. Je fais des choses, et après je ne sais plus, j’ai même perdu mon emploie à cause de ça ! vous vous rendez compte ?
--- Oui, dis-je c’est triste ! Au PMU, on parle de vous, Ils disent que vous n’avez pas de chance, que pour eux vous êtes un brave type. Et votre femme ? Elle vient vous voir ?
--- Pas souvent, elle n’est venue que deux fois, dit Max
--- Cela ne me regarde pas, mais on dit que ça ne va pas fort le ménage ?
--- Bah ! comme tous les couples, des hauts et des bas !
--- J’ai même entendu quelqu’un qui disait que vous battiez votre femme, les gens sont méchants ! dis-je.
--- Celui qu’a dit ça, qu’il vienne, je lui fous mon point dans la gueule ! Moi frapper une femme ! Ah non, c’est pas mon truc de frapper une femme et surtout pas ma mienne.
Même pas une claque, c’est des fumiers ceux qui frappent leurs femmes ! Un mec qui m’emmerde, il a mon point dans sa gueule, mais une femme ! Ah non.
--- Pourtant, y’en a un qui dit qu’elle aurait des traces de coups ? dis-je.
--- Oui, c’est vrai, dit-il, elle a des marques dans le dos, elle m’a dit qu’elle était tombée dans les escaliers de la cave. J’ai même pas compris comment on pouvait se faire mal dans le dos en tombant dans les escaliers…Ah ! je vous embête avec mes histoires !
--- Non, Non ! vous ne m’embêtez pas du tout dis-je, j’ai tout mon temps. Mais pour en revenir à… Au PMU, les gars ils disent qu’on entend de violentes disputes chez vous !
--- C’est toujours pour la même raison !Dit Max
--- Ah !
--- Vous voulez que je vous raconte ?
Oui.
--- Mes parents étaient de gros céréaliers de la Beauce. Je suis leur unique enfant et à leurs décès, j’ai repris la ferme, 276 hectares. Un an après, je me suis marié avec une fille de la région, Morgane. Nous nous entendions très bien, et elle travaillait comme un homme. Debout le matin à sept heures et des heures entières sans descendre du tracteur. Un matin, au petit déjeuné, elle me dit : « Max tu vas être Papa » ! J’étais fou de joie, pensez donc, un héritier pour la ferme ! Un mois plus tard, c’était le moment de récolter le maïs. Je conduisais la faucheuse à maïs et Morgane suivait au même niveau avec le tracteur. Soudain, la machine se bloque. Morgane va voir, c’était un gros morceau de bois qui bloquait la vis sans fin. Elle me dit : Coupe la transmission ! Mais avec le bruit du moteur, je n’ai pas compris immédiatement le sens de sa phrase. Elle a avancée son bras pour retirer le Bâton, le système s’est débloqué et l’énorme vis a repris sa rotation à une vitesse folle. Son bras a été happé et arraché au niveau de l’épaule. j’ai sauté hors de la cabine, Morgane se roulait de douleur, des lambeaux de vêtements gorgés de sang flottaient à la place de son bras. J’ai couru à ma cabine pour atteindre mon portable afin d’ appeler du secours. Mais en revenant, voyant Morgane à terre qui gémissait, je me mis à trembler, j’ai sentis mon cœur se soulever et je me suis évanoui. Quand je me suis réveillé, Morgane était étendue à mes côtés, elle avait perdu beaucoup de sang et son cœur ne battait plus. De ma faute, j’avais perdu ma femme et mon enfant. Un choc terrible qui me conduisit en hôpital psychiatrique pour quatre mois. C’est là que j’ai rencontré ma femme actuelle, Serine. J’ai loué mon exploitation car je ne peux plus cultiver la terre. Je ne peux même plus voir des terres agricoles, ça me rappelle trop Morgane et je sens que je retombe en dépression. C’est pour cette raison que je suis venu à Paris. Pour ne plus voir la campagne ! Je vous parlais de nos disputes avec ma femme Serine, eh bien, c’est toujours pour la même raison, Ma femme veut que je vende mes terres. Elle a même déjà calculé tout ce qu’on pourrait acheter avec l’argent de la terre : un grand appartement, un chalet à la montagne et une maison à la mer. Et on pourrait encore faire des voyages disait-elle. C’est vrai que ces terres ont une grande valeur, mais moi je ne veux pas les vendre, à aucun prix. Elle ne comprend pas que cette terre, c’est une partie de moi-même. La vendre, c’est comme m’arracher un membre ! Alors commencent des disputes sans fin et quand j’en ai plus que marre, je vais au PMU et je prends une bonne cuite. Elle sait que je ne lâcherais pas, mais elle revient quand même à la charge. Voilà, je vous ai raconté mon histoire, et maintenant en plus j’ai ces problèmes de mémoire !
Je quitte Max, il me fait un grand sourire et me remercie d’avoir écouté son histoire. Moi, je suis complètement démonté. Si tout ce que m’a raconté Max est vrai ? Mais non, c’est pas possible, pas Serine !
Le lendemain, c’est Serine qui va voir Max à l’hôpital. Je reste chez elle, je tourne en rond et je regarde dans la bibliothèque s’il n’y aurait pas un bon polar. Ne voyant rien de bien dans la première rangée, je l’enlève et regarde dans celle du fond. Mon attention est tout de suite attiré par un titre étrange : « comment se débarrasser de son mari » ? Je le sors et je l’ouvre à la page repérée par un marque page et je lis : « Envoyer son mari à l’asile est une des meilleurs solutions, elle permet de s’emparer de ses biens si on obtient la tutelle. Pour le déstabiliser, il faut réussir à lui faire perdre son emploie, puis changer des objets de place en prenant bien soin d’avoir un témoin. Le témoin est indispensable pour mener à bien cette entreprise…
On frappe à la porte ; c’est Serine qui revient de l’hôpital
Fin du 4° épisode




Double vie N° 5 ( Garde à vue )



J’ouvre la porte, Serine entre, elle me saute au cou et m’embrasse. Hypocrisie ! Mensonge !
Je la repousse et lui dis que nous devons parler, tirer les choses aux claires. J’ai le sentiment d’avoir été manipulé et cela me rend particulièrement désagréable. Je la regarde droit dans les yeux.
--- Tu es certaine que Max te frappe ? Lui dis-je sèchement.
Serine ne semble pas comprendre ce qui lui arrive, elle ne m’a jamais vu avec cet air autoritaire.
--- Mais tu as vu les marques que j’ai dans le dos ! Rétorque-t-elle sur un ton agressif et sûr d’elle.
--- J’ai constaté que tu as des marques dans le dos, dis-je, mais ce n’est pas Max qui te les a faites !
J’attrape le petit livre (comment se débarrasser de son mari » ?)que j’ai découvert et je lis à voix haute et fort :
--- « Il est facile de simuler des coups reçus. Plusieurs méthodes existent et sont très efficaces etc…etc…
Serine ne répondre pas, elle hésite, bégaie.
--- Inutile de mentir davantage, dis-je, je sais que tu as tout inventé ! Dans l’unique but de t’approprier les biens de Max. Tu es sa femme ?
--- Hem ! Oui.
--- Tu te rends compte de l’atrocité de ton plan, dis-je, envoyer son mari à l’asile pour le voler?
--- Mes histoires avec Max, c’est pas tes histoires ! Dit-elle, ça ne te regarde pas !
--- Ce qui me regarde, c’est que tu me manipules pour réaliser ton plan diabolique et en plus, tu me fais croire que tu m’aimes ! Mensonges !
--- Non, je ne mens pas, dit Serine, je t’aime, je t’aime plus que tout au monde !
--- Tu te rends compte de ce que tu dis ? Mais enfin, réfléchis ? Tu prétends m’aimer et tu m’utilises pour accaparer les bien de ton mari ? Comment une pensée aussi horrible a-t-elle pu te venir à l’esprit ?
Serine garde son sang froid ! Quel caractère ! je m’attendais à ce qu’elle s’écroule, qu’elle tombe en larmes, mais non elle supportes mes attaques verbales et se montre même arrogante. Le pire c’est qu’ elle reconnaît et justifie sa conduite. A-t-elle conscience de ce qu’elle risque devant un tribunal si celui-ci la déclare responsable ? Moi, je ne peux tolérer plus longtemps cette situation, le risque est trop grand. Je décide de me rendre à l’hôpital, je demande à voir le médecin qui s’occupe de Max et je lui raconte tout ce que je sais. Il ne semble pas très étonné de ma démarche et me dit simplement : « J’ai rapidement vu que Max n’avait rien à faire ici, il ne présente aucun signe d’amnésie, il est sortant aujourd’hui même.
Quinze jours ce sont écoulés, aucune nouvelle de Serine. Ca me fiche un coup, mais je n’ai pas le choix, je dois encaisser. Serine m’a manipulé, mais je souffre de ne plus la voir et je cherche une solution. J’en trouve une, c’est Elodie qui va refaire son apparition et qui va aller voir Serine. Une seule précaution, je dois lui rendre visite en l’absence de Max car il croit que Serine et Elodie sont contre lui.
Max n’est pas là, à cette heure il est au PMU et je sais qu’il y reste un moment. Je me maquille en Elodie et je descends chez Serine.
--- Elodie ! Quelle surprise, dit-elle, tu es revenu de la campagne ?
--- Eh oui ! le travail ! Il faut bien reprendre, dit Elodie, Alors, tes amours, où en es-tu ?
--- Ma pauvre ! Si tu savais tout ce qui c’est passé pendant ton absence ?
Serine raconte à Elodie, ce qui s’est passé, à sa façon bien sûr, et je constate qu’elle ne fait que mentir, notamment à propos des sentiments qu’elle prétend éprouver pour moi. Elle me hait pour avoir fait échouer son plan et n’attend qu’une chose, me jouer un vilain tour si l’occasion se présente. Mais me voilà, averti et je vais donc me méfier.
Une semaine passe, je me réfugie dans le travail, ça tombe bien en ce moment nous sommes débordés et cela me permet de traverser cette période douloureuse sans trop ruminer. Ce soir c’est samedi, pour me changer complètement les idées, je vais me maquiller en ‘ Elodie’ et sortir. Evidemment, je passe par l’escalier de Serine, comme toujours quand je suis ‘Elodie’. Je traîne toute la soirée de bar en bar et rentre vers deux heures du matin. J’appuie sur l’interrupteur de l’escalier : pas de lumière ! Merde l’ampoule est grillée. Je monte dans le noir, pas de lumière non plus sur les autres paliers. J’entends des petits bruits, sûrement encore des chats, c’est toutes les nuits pareilles, ils n’arrêtent pas de se battre. D’autres bruits, mais pas de miaulement, c’est bizarre ! Je me tiens sur mes gardes et je sors mes clés. Soudain, un puissant faisceau lumineux me surprend et m’aveugle.
--- Aller la gonzesse ! Ouvre ta porte et fait pas l’con ! Me dit une voix d’homme sur le palier.
Je fait semblant de trembler avec les clés, la torche s’avance, toujours plus près.
--- Passe-moi ta clé, mignonne ! Dit l’homme d’un air moqueur.
Je sors ma bombe lacrymogène de mon sac et je l’actionne en direction de l’homme. l’effet de surprise est total et j’en profite pour donner un coup de pied dans sa torche qui dévale l’escalier en projetant une cascade de lumière. L’homme pousse un cri.
--- Salope !
Je descends les escaliers aussi vite que je peux et je me cogne violemment contre la rampe. L’homme se ressaisis et se lance à ma poursuite. Je sors de l’immeuble en gardant de l’avance sur mon agresseur, mais il ne renonce pas, je sens sa présence derrière moi. Je tourne à l’angle de la rue et rentre dans l’immeuble où j’ai mon appart en tant qu’Alex. Le hasard me donne un coup de main car une locataire de l’immeuble arrive en même temps que moi et a déjà ouvert la porte. Je la bouscule et monte les escaliers d’une traite. Derrière moi la lourde porte d’entrée se referme doucement, mais l’homme réussit à pénétrer avant qu’elle ne se verrouille. Il me poursuit jusqu’à la porte de mon appart que je réussis à refermer juste comme il arrive sur le palier. Sauvé ! Je fixe ma porte d’entrée et tremble encore de tous mes membres. Va-t-il essayer de pénétrer chez moi en fracturant la porte ? Cela me paraît impossible, ma porte est protégée par une fermeture à trois points de fixations et ce n’est pas son intérêt d’ameuter tout l’immeuble. Que me veut-il ? Bah, de l’argent ! sûrement encore un de ces drogués en manque. Je sais qu’il était de taille moyenne et n’avait aucun accent. Quant à son visage, aucune idée, il portait un collant sur la tête percé de deux gros orifices à l’endroit des yeux. Vidé, Je me laisse tomber dans mon fauteuil.
Le lendemain, j’ai la tête lourde et un mal de tête pas possible. Je me regarde dans ma glace et constate un énorme hématome sous mon œil droit.
--- T’en à une gueule ? me dis-je à haute voix.
C’est vrai que je ne me suis pas raté, directe la rampe d’escalier en pleine gueule! Pas possible d’aller bosser comme ça ! j’appelle mon collègue Joël et je lui explique qu’il va devoir travailler tout seul pendant deux ou trois jours. Enfin, je pourrai toujours faire de la paperasse chez moi !
Le lendemain, Je traînasse dans l’appart quand on sonne à ma porte. J’ouvre, deux policiers sont devant moi.
--- Monsieur Pelletier ?
--- Oui, c’est moi, dis-je, que puis-je pour vous ?
--- Mademoiselle Elodie Lemaire est chez vous ?
--- Non, dis-je, elle n’est pas chez moi.
--- On nous à signalé sa disparition. Elle habite l’immeuble d’à côté, vous la connaissez ?
--- Oui, je la connais un peu
--- Un peu ? d’après nos informations, elle serait pour vous comme une sœur ! Mais ce qui est gênant, c’est qu’on l’a vu rentrer chez vous avant hier et qu’après on perd sa trace… Elle n’est pas venue chez vous avant hier ?
--- Non, hem ! si, elle est venue avant hier mais elle est repartie aussitôt, je veux dire qu’elle n’est pas restée, dis-je.
--- Des témoins affirment avoir entendu du bruit provenant de chez vous, comme une bagarre.
--- Oh, non, non dis-je.
--- Vous vous êtes battu Monsieur Pelletier ? Je vois que vous avez un bleu sous l’œil ?Dit un policier.
--- Non, je suis tombé dans l’escalier, dis-je
--- Avouez que c’est troublant,! Beaucoup d’éléments sont troublants dans vos déclarations. Je vais vous demander de nous accompagner au commissariat, Monsieur Pelletier.
J’arrive au commissariat, il y a du monde partout. Des flics en uniforme, des genres de clodos qui puent, des putes dans une cellule qui narguent les flics. Quelle animation ! Mais moi, je me demande ce que je fais ici ? Voilà que je suis soupçonné d’être responsable de la disparition de mon double, faut le faire ! J’avais imaginé plusieurs scenari, mais pas celui-ci. Après une demi-heure d’attente sur un banc inconfortable, un agent vient vers moi et me demande de le suivre.
--- On est débordé en ce moment dit-il, si vous voulez bien patienter ici.
Il me fait entrer dans un petit bureau aux murs en verre qui sert à entreposer des dossiers, des piles de dossiers qui atteignent le plafond. Une personne s’y trouve déjà, c’est une toute jeune fille. Elle est assise et semble attendre son tour.
--- Il y en a encore pour longtemps, demande-t-elle à l’agent, ça fait une heure que j’attends ?
--- J’en sais rien dit l’agent, mais ça risque de durer on à deux inspecteurs qui viennent de partir sur une urgence.
Je reste seule avec cette jeune fille, partiellement caché par les colonnes de dossiers. Une personne aussi jeune dans un commissariat ! C’est presque une enfant ! Le motif de sa présence ici m’intrigue. Nous sympathisons, elle me dit qu’elle s’appelle Myriam et qu’elle a seize ans.
Fin du 5° épisode
BOKAY


Double vie N°6 (Myriam)


Après une heure d’interrogatoire, le lieutenant me renvoie dans le même petit bureau. La jeune fille est toujours là, assise sur sa petite chaise inconfortable. Le lieutenant ouvre la porte.
--- Et moi ! Vous m’avez oubliez ? Ca fait plus de deux heures que j’attends ! Dit-elle.
--- C’est mon collègue qui s’occupe de vous dit le Lieutenant, je ne peux rien faire !Vous désirez quelque chose ?
--- Ouais, je veux me barrer d’ici !
N’ayant aucune envie de prolonger la discussion, le Lieutenant referme la porte. Nous revoilà tous les deux, comme auparavant.
--- Font chier les flics ! Dit Myriam, qu’est-ce qu’ils en ont à foutre si je fais des tags! C’est pas à eux le métro! En plus, c’est de l’art et c’est ma façon de m’exprimer.
--- C’est pour ça que vous êtes ici, c’est à cause des tags ? Dis-je.
--- Ouais ! C’est pour ça ! De toute façon, j’ai pas le choix !
--- Vous n’avez pas le choix de quoi ?
--- Oh, laisse tomber, je ne vais pas te raconter ma vie, mais j’ai pas le choix ! Et toi, qu’est-ce qu’ils te veulent les flics ?
--- Ils me croient responsable de la disparition d’une personne qui n’existe pas, dis-je.
--- C’est n’importe quoi ! Tu parles des cons !
La conversation se poursuit et je découvre, derrière cette fille au franc parler, une adolescente qui a mûri trop vite, poussée dans la rue par des conflits familiaux. Je suis une oreille docile et elle en profite. Elle tourne sans cesse autour d’un sujet que je n’arrive pas à cerner. Je pense que cela concerne son beau-père.
--- Ah, Si seulement j’avais une piaule ! Même une petite… Ma vie serait transformée, je serais libre !
--- C’est pas possible dis-je, t’es même pas majeur !
--- On voit que tu sais pas ce que c’est ! Dit-elle. Se retrouver dehors en pleine nuit quand tu sais même pas où aller ! Moi, ça m’arrive souvent.
Une idée me traverse l’esprit : elle pourrait dormir dans l’appart d’Elodie ? En fait, il est toujours inoccupé. J’hésite un instant, la regarde…Je ramasse une feuille de papier qui traîne et inscris mon numéro de téléphone et mon adresse.
--- J’ai un petit appart qui est souvent libre, dis-je en lui tendant le papier, si ça t’arrive encore d’être dehors en pleine nuit, tu me passes un coup de fil et je te prête les clés pour la nuit. Mais, pas de connerie, tu me les ramènes le lendemain.
--- Houa, c’est sympa ! Merci dit-elle.
La porte s’ouvre :
--- Monsieur Pelletier s’il vous plaît !
C’est le lieutenant, je le suis une nouvelle fois dans son bureau. Il s’installe devant son écran, m’ignore et lit en silence. Il a échangé son chewing-gum pour un cigare dont la fumée s’élève et embrume la lampe suspendue au-dessus de son bureau. Des cendres tombent à intervalles réguliers sur le clavier. Machinalement il souffle dessus, un nuage grisâtre tourbillonne et retombe sur le bureau. Soudain, comme s’il sortait d’une longue léthargie, il relève la tête de son ordinateur, prend une attitude hautaine et se donne un air important.
--- Monsieur Pelletier, vous êtes libre de rentrer chez vous, dit-il. Madame Serine Lefranc s’est rétractée, ses déclarations à présent sont confuses. De notre côté, nous ne trouvons aucune trace de mademoiselle Elodie Lemaire. A ce demander si cette personne existe vraiment ! vous pouvez partir, vous êtes libre.
Enfin je suis dehors, quel soulagement ! Je quitte le commissariat sans me faire prier, on ne sait jamais... Il y a longtemps que je n’ai pas éprouvé autant de plaisir à remonter la rue de Vaugirard, libre tout est plus beau, les vitrines sont plus lumineuses, les gens souriant, ça baigne ! Après avoir ouvert ma porte, Je vais direct à la salle de bain et me regarde dans la glace : Quelle gueule ! On dirait que mon coquard a encore grossi ! C’est pas demain que je pourrai faire revenir Elodie ! Je réalise à quel point mon petit jeu peut être dangereux. L’envie de tout arrêter me traverse l’esprit, mais non, j’ai encore le problème « Serine » ?
Un mois s’est passé, mon boulot absorbe toute mon énergie. j’ai laissé Elodie de côté, manque de temps et avec mon coquard, je n’avais pas d’autre choix. Aujourd’hui c’est dimanche, pour me changer, je vais faire un tiercé au PMU. Assis à une table, concentré, je côche, note et rature en admirant la couleur ambrée de ma Chimay. Je fais mon tiercé avec la plus grande attention quand soudain, je reçois une tape dans le dos, je me retourne.
--- Vous me reconnaissez ? C’est Max ! On s’est parlé longtemps à l’hôpital ?
--- Bien sûre que je vous reconnais dis-je ! Vous allez mieux ?
--- Ouais ! Je sais pas ce que j’ai eu, peut-être un gros coup de fatigue.
--- Et votre travail ? Vous l’aviez perdu. Dis-je.
--- J’ai été voir mon patron, je me suis excusé et il m’a réintégré dans la boite, je reprends le boulot la semaine prochaine.
--- C’est une bonne nouvelle, et avec votre femme, ça s’arrange ?
--- Avec Serine ? On voit que vous ne la connaissez pas ! Elle m’a tellement harcelé, nuit et jour que j’ai fini par céder, j’ai mis ma ferme en vente il y a trois jours ! Depuis, je passe mon temps ici, je me mine, je suis devenu le meilleur client de ce café ! J’espère que je ne vais continuer à sombrer, j’ai pas envie de retourner dans ce putain d’hôpital ! Elle a réussi ce qu’elle voulait, elle pourra se le payer son bel appart, sa grosse bagnole ! Mais moi, j’en ai rien à foute de tout ça ! Ah quel bordel ! Vendre ma ferme pour des conneries de femmes !
Dès qu’il prononce le nom «Serine », des souvenirs remontent, une poussée de sang chaud parcourt mes veines tel un torrent d’amour et de haine. Je la hais pour son comportement mais j’ai de plus en plus la sensation que mon amour pour elle est intact. Quelle sensation étrange ! Je ne peux gommer de ma mémoire nos ébats amoureux, je sens encore la douceur de ses cuisses contre les miennes, le frottement de ses seins contre mon corps… Et je me plais à rêver…
--- Cela ne me regarde pas dis-je, mais à votre place, moi j’aurais pas cédé ! J’aurais tenu bon, que ça lui plaise ou non! C’est quand même à vous cette ferme !
--- Ya des copains ici qui disent comme vous ! Mais comprenez ! Moi je ne sais plus quoi faire, j’en ai marre des disputes tous les jours, c’est pas une vie !
--- Céder au chantage n’a jamais été une solution dis-je ! Réagissez ! Retournez chez le notaire et dites que vous avez changez d’avis. Votre femme va monter en rage ? Et alors ? Ce sera une première victoire pour vous.
Un homme qui de toute évidence connaissait Max intervient.
--- Monsieur à raison, dit-il en me tapotant légèrement l’épaule de son index, faut pas que t’écoutes ta femme elle va se barrer avec tout ton fric. Tu diras pas qu’on t’a pas prévenu ?
--- Ouais ! Vous avez peut-être raison dit Max en saisissant son verre de rosé.
Le téléphone me réveille alors que je viens juste de m’endormir. L’envie de ne pas répondre m’effleure, mais ma curiosité prend le dessus sur ma paresse.
--- Ouais… Allô ! Allô ! Parlez ! Mais parlez merde !
--- Je… Je m’excuse de vous déranger à cette heure, je suis Myriam… On s’est rencontrés au commissariat !
--- Ah d’accord ! Qu’est-ce que je peux pour toi ?
--- Vous m’aviez dis que vous pourriez me prêter un petit appart ? C’est juste pour cette nuit, je suis dehors.
--- Tu as mon adresse je crois ? Tu es où en ce moment ?
--- juste au pied de votre immeuble.
--- Attends, je t’ouvre, monte.
Myriam arrive à l’étage quand j’ouvre ma porte. J’ai du mal à reconnaître la jeune fille ardente et blagueuse du commissariat. Elle marche lourdement, toute recroquevillée, comme si elle voulait se faire petite, insignifiante. Elle lève la tête, son visage est rougi par les larmes, quelques bleus se forment sous ses yeux et elle saigne de la lèvre inférieure. J’ai à peine le temps de refermer la porte qu’elle se jette contre moi et se met à sangloter. Elle reste ainsi quelques instants. Le silence est plus fort que les mots, je ne lui pose aucune question. Tout en maintenant sa tête contre mon épaule, je la dirige vers le canapé ; elle s’affaisse comme une masse. Puis, ses sanglots ralentissent doucement laissant apparaître un visage désespéré. En reculant, je bute contre un objet, c’est une imposante valise en tissus, je ne l’avais même pas remarquée.
--- Je m’excuse dit-elle, je vous embête, je voulais juste vous demander si je pouvais passer la nuit dans le petit appart dont vous m’aviez parlé au commissariat.
Il est évident qu’elle vient de subir un traumatisme et je ne lui pose aucune question. Je m’interroge cependant sur la nécessité d’appeler un médecin ? Voyons d’abord ses plaies.
--- Dans un premier temps, je vais m’occuper de ta lèvre, lui dis-je, et aussi te mettre de la pommade sur les parties bleues de ton visage.
Je vais dans la salle de bain et ramène ma trousse à pharmacie. Elle contient un peu de tout, je sors une pommade à base d’arnica et en applique sur les parties rouge bleuté de son visage. Elle ne dit rien mais je suis persuadé que la douleur est intense. Ensuite je lui nettoie sa lèvre, j’essaie de mettre un pansement mais ça ne va pas. Elle me regarde et tente un léger sourire en guise de remerciement.
--- Tu veux que j’appelle un médecin ?
--- Non, dit-elle ça va aller et je vous ai assez dérangé, je suis vraiment navrée !
--- Tu parles ! Pour une fois que l’occasion m’est donnée de me rendre vraiment utile ! Je ne voudrais pas être indiscret, mais… Tu n’as pas d’autres blessures ? Sur ton corps je veux dire.
--- Non, seulement au visage, et quelques coups aux jambes mais ça ne doit pas être bien grave.
Elle se redresse, retire son pantalon doucement et le balance à terre. Des bleus de différentes grosseurs apparaissent sur ses deux jambes. Je lui passe le tube de pommade.
--- Tu peux aller dans la salle de bain lui dis-je, tu seras plus à ton aise.
--- Non, dit-elle, je vous ai assez dérangé, si votre proposition tient toujours, je vais me rendre dans votre petit appart. C’est à côté je crois ?
--- Non, non, tu restes ici cette nuit, tu prendras ma chambre, moi je vais m’ouvrir le canapé. Tu as faim ? Bouge pas je te fais… Un chocolat, ça te dit ?
--- Mais vous dérangez pas pour moi… Oui un chocolat, si vous voulez.
Myriam boit son chocolat accompagné de céréales et termine avec deux yaourts. Je comprends, en plus la pauvre avait une terrible faim mais elle n’osait rien me demander. Il est plus d’une heure du matin quand nous nous couchons. Par contre, ce putain de canapé me fait un mal de dos pas possible! C’est quand même dommage de devoir passer la nuit dans ce canapé pourri alors qu’il y a un bon lit dans l’appart juste à côté !
Lundi matin. J’ai mon premier rendez-vous à onze heures et ça me laisse du temps. En général, je me lève tôt, c’est mon habitude, je voudrais parler avec Myriam avant de partir et voir dans quel état se trouve son visage et ses jambes. Je descends jusqu’à la boulangerie et prépare le petit déjeuné. Quand j’ouvre la porte de ma chambre, Myriam dort comme un bébé. En la voyant ainsi, je ne peux m’empêcher un léger sourire, je la sens heureuse. Pauvre fille ! Je pose le plateau sur la table de nuit. Elle dort si bien que j’hésite avant de la réveiller, mais il le faut.
--- Myriam ! Myriam ! Réveille-toi.
Myriam se retourne plusieurs fois, semble perdue.
--- Où est-ce que je… Ah ! Je me souviens. Aïe, j’ai mal partout !
--- Regarde ! Je t’ai préparé un bon petit déjeuné. Dis-je.
--- Wouha, c’est cool ! Vous êtes gentil ! Je peux vous dire « tu » ?
--- bien sûr, appelle-moi Alex.
--- Tu dois te demander ce qui m’est arrivée hier ? A propos je ne t’ai même pas remercié ! Ah je suis nulle !
--- Non, je ne te demande rien, si tu as envie de me dire quelque chose, te gêne pas, tu fais comme tu veux mais t’es pas obligé.
--- je ressens le besoin de raconter ce qui m’est arrivée à quelqu’un, dit-elle. C’est trop lourd pour moi toute seule.
Et elle commence ainsi…

Fin du 6° épisode
BOKAY


Double vie N° 7 ( le portrait )

--- C’est de la faute de ma mère, dit Myriam, avant qu’elle ne rencontre Loïc, elle et moi, nous nous entendions à merveille, une sincère complicité nous unissait. Il n’était pas rare de nous voir au Resto ou au cinéma ensemble, comme deux copines. Puis elle ramena ce Loïc, un macho fainéant qui vit à ses crochets. Ma mère travaillant de nuit à l’hôpital comme infirmière, je restais seule dans ma chambre et Loïc dans le lit de ma mère. Tout se passa bien le premier mois, mais un soir, alors qu’il prenait sa douche, il me crie : Myriam ! Tu peux me passer un drap de bain, j’ai oublié d’en prendre un. Je vais donc chercher un drap de bain et je m’apprête à le poser sur la chaise toute proche quand soudainement il pousse la porte de la douche, son sexe en érection dans sa main. Tu veux pas me laver le dos, dit-il en souriant. En guise de réponse, j’ai pris le drap de bain que je tenais sous le bras et je lui ai balancé au visage en ajoutant qu’il n’était qu’un salaud. Il n’a pas insisté, mais depuis ce jour il n’a pas arrêté de me faire des avances. Je ne disais rien à ma mère, je ne voulais pas la rendre malheureuse, mais comme la situation devenait intenable pour moi, je quittais la maison tard le soir pour retrouver une bande de copains tagueurs. Parfois, je me faisais prendre et je me retrouvais au commissariat. Voyant qu’il n’arriverait pas à ses fins avec moi, Loïc changea de tactique, il me laissa tranquille mais fit venir une fille à la maison pendant que ma mère travaillait. Je la déteste, je les entendais s’envoyer en l’air pendant que ma mère bossait toute sa nuit à l’hôpital pour le nourrir. C’était insupportable, alors hier soir j’ai dit à cette salope ce que je pensais d’elle. Elle est montée dans une rage épouvantable, nous nous sommes insultés, puis elle s’est jeté sur moi comme une sauvage et m’a fait les bleus que tu vois sur mon visage. C’est à ce moment que je me suis souvenu que tu m’avais proposé un petit appart pour me dépanner.
--- Ta mère ne se rend compte de rien ? Dis-je étonné.
--- Non, je ne comprends pas comment elle peut être aussi naïve ! En tous cas, moi j’en avais marre de cette situation !
A présent, je comprenais mieux Myriam, L’image de cette carapace agressive et dévergondée qu’elle se donnait au commissariat n’était qu’un rôle destiné à dissimuler sa solitude et sa détresse. Au fond, j’avais le sentiment qu’elle était une brave fille, débordante d’énergie, mais que son jeune âge rendait vulnérable.
--- Et cette fille qui n’existait pas, ils ont fini par la retrouver ? Demande Myriam.
--- Tu veux dire, Elodie ? Oui, on l’a retrouvée. Dis-je.
--- Je ne comprends rien, dit Myriam, comment a-t-on pu la retrouver si elle n’existe pas ?
--- Ah, c’est compliqué dis-je, elle existe et elle n’existe pas en même temps ! Je ne peux pas t’en dire plus pour le moment.
--- Mais tu ne l’as pas tué ?
--- Non, je ne l’ai pas tué, dis-je.
--- T’es toujours compliqué comme ça ? Demande Myriam.
--- Peut-être qu’un jour je t’expliquerai, dis-je, mais pour le moment j’ai des dossiers à étudier sur mon ordinateur, j’ai mon premier rendez-vous à onze heures.
Je quitte l’appart à dix heures trente, j’ai pas de temps à perdre, j’ai quatre rendez-vous dans la journée. Le soir, je rentre épuisé, que des clients emmerdants ! En ouvrant la porte, je crois me tromper d’étage. Moi qui ai l’habitude de laisser mon appart dans un indescriptible désordre, tout est impeccable. Les chaises sont libres et bien rangées, le sol brille et sent la cire, Je suis vraiment épaté !
--- Myriam ! Tu es là ?
--- Oui, j’arrive, dit Myriam, sortant de la chambre en tenue de ménagère et un chiffon à la main.
--- C’est toi qui a rangé l’appart comme ça ?
--- Pourquoi, ça ne te plaît pas, dit-elle étonné.
--- Mais si ça me plaît, mais je me demande comment tu fais, moi je passe quelque fois une journée entière à ranger et c’est loin d’être aussi propre !
--- Tu veux boire quelque chose demande Myriam.
Je m’assieds, Myriam me sers un whisky et se prend un coca. Je regarde de tous côtés, j’ai l’impression de me trouver dans un autre appart, je n’en reviens pas. L’idée me traverse l’esprit que si j’avais une femme à la maison… Alors, je repense à Serine, toujours les mêmes images, je la vois là, présente le soir quand je rentre, m’attendant et me serrant de toutes ses forces dans ses bras. Cliché immédiatement remplacé par la Serine réelle, La calculatrice, celle qui n’eut aucun scrupule à me manipuler pour s’accaparer de l’argent de son mari. Mais ensuite, je lui cherche des excuses. C’est toujours comme ça, je ne peux m’empêcher de lui trouver des excuses, c’est plus fort que moi, c’est au-delà de ma volonté.
--- Tu réfléchis ? Dit Myriam, t’as l’air ailleurs, une femme ?
--- Oh ! Une vieille histoire…
Voilà une semaine que Myriam s’est installée dans mon appart, sa compagnie ne me déplaît pas, elle est gaie, pleine de vie et je commence à m’habituer à sa présence, même un peu trop à mon goût. J’ai réussi à la convaincre de retourner au lycée et de reprendre contacte avec sa mère. Elle me dit se sentir bien ici et me demande si elle peut rester encore un peu. Je ne vais pas la mettre dehors maintenant, mais je commence à en avoir marre du canapé ! J’ai proposé à Myriam de s’installer dans mon petit appart, elle m’a répondu : « c’est comme tu veux, mais moi je préfère rester avec toi, si ça ne te dérange pas évidemment. J’ai répondu que ça ne me dérangeait pas. Alors, elle est restée.
--- Tu va enfin faire la connaissance d’Elodie, dis-je à Myriam, elle vient demain à Paris et passe me dire bonjour.
--- Ah ! Elle existe donc cette Elodie ? Dit Myriam.
--- Tu vas la voir en chair et en os, mais c’est pas la preuve qu’elle existe, lui dis-je.
--- T’es chiant, je ne comprends rien à cette histoire !
Le lendemain soir, je vais à mon deuxième appart en passant par l’autre entrée, je me maquille, me déguise en Elodie et je frappe chez moi.
--- Bonjour mademoiselle, je suis Elodie, une amie d’Alex… dis-je
--- Moi, c’est Myriam, dit-elle, j’habite chez Alex depuis près de deux semaines, il a accepté de m’héberger… enfin il vous a peut-être racontez ?
--- Oui, il m’a raconté, dis-je.
--- Vous existez donc ! Ah, si vous saviez qu’elle suspens Alex entretient autour de vous ? Je n’y comprends rien.
--- Au fait, Alex n’est pas là ? Demandais-je.
--- Non, dit Myriam, il n’est pas encore rentré.
--- Alors en attendant, si vous le permettez, je vais me refaire une petite beauté dans la salle de bain, dis-je.
--- Je vous en pris, dit Myriam.
Je ferme la porte de la salle de bain à clé et je recommence le même travail à l’envers, démaquillage, autres vêtements, et Elodie redevient Alex. C’est ainsi que je sors de la salle de bain, Myriam me regarde, elle pose une main sur la table, j’ai l’impression qu’elle va tomber ou s’évanouir.
--- Tu étais là ! Je ne t’ai pas vu rentrer !
--- Oui, je suis là et Elodie est là aussi, dis-je, regarde.
Je sors la perruque blonde d’Elodie que je cachais derrière mon dos, je la pose sur ma tête et je prends ma voix féminine.
--- Elodie est là aussi ! dis-je
Myriam n’en croit pas ses yeux, elle me regarde fixement, m’inspecte de bas en haut.
--- Tu… Tu fais… C’est toi qui fait Elodie ! Elodie c’est toi ! Ah, je comprends maintenant.
--- Oui, c’est mon secret, tu es la seule à connaître, et maintenant que tu sais, je vais te raconter toute mon histoire et mon truc des deux apparts.
Je raconte tout à Myriam, je fais pivoter le meuble de bibliothèque et lui fais découvrir l’autre appartement. Myriam n’en revient pas, je la sens comme à l’intérieur d’un roman policier. Ah ben ça alors ! Répète-t-elle à plusieurs reprises.
Myriam s’installe dans le deuxième appart et je récupère mon lit, c’est pas du luxe, marre du canapé ! Elle a l’appart pour elle toute seule, je trouve que c’est mieux, ainsi elle dispose de plus d’intimité. Cependant, je mets deux conditions, je lui demande de toujours sortir dans la petite rue, sa présence ici ne regarde pas les locataires de mon immeuble et de ne pas ramener de copain.
Une semaine s’est écoulée, Myriam a repris le lycée mais ne montre pas d’empressement à s’installer dans le petit appart, elle laisse la bibliothèque ouverte, ce qui fait que les deux logements communiquent. En fait, elle n’utilise son petit appart que pour dormir ; je n’aime pas la solitude ! Dit-elle. Une vie routinière s’installe peu à peu, mais ce soir, en ouvrant la porte, une forte odeur de peinture me prend à la gorge.
--- Tu fais de la peinture Myriam ? Qu’est-ce ça pu ! Tu repeins encore les portes ?
--- Non, pas du tout, mais tu vas peut-être me gronder, dit-elle, j’ai pris ton nécessaire à peinture à l’huile, je t’ai piqué une toile et je barbouille.
--- Non, ça ne me dérange pas, dis-je, en ce moment je n’ai pas le temps de peindre. Fais voir un peu ton chef-d’œuvre !
Je suis Myriam, elle a installé mon chevalet dans le salon de mon deuxième appart, celui qu’elle occupe. En voyant tous mes tubes de peinture disposés en vrac sur la table, j’ai envie de la crier, mais je regarde sa toile et ma respiration se coupe, je suis comme paralysé.
--- J’ai fait ce que j’ai pu, dit-elle, tu trouves que c’est bien ?
--- J’ouvre grand mes yeux, je regarde Myriam, puis à nouveau le tableau. Serine ! Myriam est en train de peindre le portrait de Serine, il n’est pas terminé, mais aucun doute n’est possible, c’est bien le portrait de Serine !
--- Alors ? Dis quelque chose, reste pas planté comme ça, t’as jamais vu un portrait ? Ca te plaît pas ?
BOKAY
fin du 7° épisode


Double vie N°8 (Adieu Serine)

--- Si, si ! Le portrait me plaît, mais où as-tu pris le model ? Dis-je.
--- Ah ! C’est Serine, la femme qui habite l’appartement du dessous, pourquoi, tu la connais ? Demande Myriam.
--- Oui, dis-je, je la connais.
--- Moi, je la trouve très sympathique dit Myriam, nous parlons parfois ensemble, un peu de tout. Un jour, nous en venons à parler « peinture », je lui dis que j’étudie le dessin et la peinture depuis l’âge de huit ans et que ma spécialité c’est le portrait. Elle me demande alors si je serais capable de peindre son portrait. Je lui dis que je le ferais volontiers si j’avais mes peintures. Hors, ce matin, par hasard en faisant du rangement, je découvre tes peintures et tes toiles. Je demande à Serine si elle est toujours d’accord pour le portrait. Enthousiaste, elle accepte et vient sur-le-champ. Elle pose toute la matinée et l’ après-midi. Voilà mon travail, mais je n’ai pas terminé, elle doit revenir encore une ou deux fois.
--- Tu ne m’avais pas dit que tu étais aussi douée en peinture! Dis-je. Tu sais, moi aussi à une époque j’ai peint énormément, mais je faisais surtout du non figuratif.
--- Je sais dit-elle, j’ai vu deux de tes toiles, elles me plaisent beaucoup. Et pour mon portrait, tu trouves qu’il est ressemblant, toi qui la connais ?
--- Oui, très ressemblant, tu possèdes un véritable don artistique.
--- Tu me prenais pour une idiote, une gourde ?
--- Mais non, dis-je, …Tu veux pas me verser un whisky ?
Je suis sur le point de lui raconter mon aventure avec Serine, de lui dire à quel point je l’ai aimé et je l’aime encore, mais finalement, non, je préfère garder mon secret quelque temps encore. La discussion se poursuit sur le même thème : la peinture.
--- J’ai commencé à peindre en Bretagne, à Carnac, dit-elle, pendant mes vacances.
--- Tu connais Carnac ? Dis-je étonné.
--- Oui, nous y allions tous les ans avec ma mère avant qu’elle ne rencontre ce fainéant de Loïc.
--- Eh bien je vais te faire une confidence, dis-je, c’est à Carnac que j’ai les plus beaux souvenirs de ma vie. J’y avais rencontré une fille absolument extraordinaire, d’une beauté époustouflante, probablement trop belle pour moi car nous nous sommes aimés le temps d’un été. Nous nous sommes vus quelques mois à Paris et subitement, sans raison apparente, elle n’a plus donné signe de vie. Tu peux pas savoir comme j’ai pleuré ! Enfin, des vieilles histoires, mais quand même, ça fait mal. Surtout le manque d’explication, je n’ai jamais su pour quelle raison elle m’avait quitté.
--- Ah, pauvre chou ! Dit Myriam en se fichant de moi, t’en a retrouvé d’autres depuis !
--- Te moque pas ! C’est sérieux ! Dis-je. T’as déjà aimé vraiment, toi ?
--- J’en sais rien, si l’année dernière j’étais amoureuse de mon prof d’histoire géo. Mais c’était… comment on dit… Platonique.

Serine est venue poser les deux jours suivant, le portrait est presque terminé, juste quelques petites retouches, il est magnifique. Oui, c’est très ressemblant, trop à mon goût, j’ai l’impression d’avoir la femme que j’aime devant mes yeux ! Si Myriam avait voulu me faire mal elle n’aurait pas trouver mieux ! J’arrête pas de ruminer : M’aime-t-elle, ou ne suis-je que l’instrument de son projet diabolique ? Tout n’est pas très clair dans ma tête, deux sentiments contradictoires se bousculent et je ne sais encore lequel prendra le dessus. J’en suis là quand trois jours plus tard, en rentrant chez moi, je constate une animation inhabituelle dans la rue. Une voiture de police stationne à l’angle de ma rue et de nombreux badauds discutent sur le trottoir. Je monte à mon appart, Myriam est assise sur le canapé, la tête dans ses mains, elle pleure bruyamment.
--- Myriam ! Qu’est-ce que tu as ? Qu’est-ce qui se passe ?
--- C’est Serine…Elle s’est battue avec son mari, elle à reçu un coup de couteau. Le SAMU l’a emmené à l’hôpital.
Je regarde Myriam, la bouche à demi ouverte, les yeux fixes et inexpressifs. Les bras me tombent.
--- Elle est pas morte ? Dis-je.
--- Je ne pense pas dit-elle, mais elle a perdu beaucoup de sang. T’as l’air drôlement affecté ? Tu la connais vraiment bien ?
--- Je l’aime.
Myriam fait de son mieux pour me rassurer et me raconte ce qui c’est passé. Elle me dit que le marri de Serine hurlait comme un fou, qu’il parlait de ferme et de champs et qu’elle le traitait de tous les noms. Puis qu’un voisin a probablement appelé la police et lorsqu’elle est arrivée, Serine était allongée sur le sol, A ses côtés, son marri pleurait et répétait sans arrêt : « C’est pas possible ! C’est pas possible ».
--- J’ai presque tout vu et tout entendu, dit Myriam, dès que les policiers sont arrivés, j’ai descendu quelques marches. Son marri a été emmené par la police… Tu m’avais pas dit que tu l’aimais ! Et son portrait qui est encore ici ! Je devais lui porter demain. Maintenant…
Je réussis à savoir où Serine est hospitalisé et je m’y rends avec Myriam. Je demande de ses nouvelles à l’accueil, mais ne reçois aucune réponse. « Elle est en salle d’opération, on vous préviendra dès qu’elle en sortira ». C’est tout ce qu’on a voulu me dire. Je suis assis sur un long banc en métal, il est froid. Myriam fait les cents pas dans le couloir, s’assied quelques minutes à côté de moi, puis se relève et marche à nouveau. Moi je rumine, me pose sans cesse la seule et unique question qui vaille en ce moment : va-t-elle s’en sortir ? Cette attente est interminable. Et cette atmosphère de mort qui règne et qui rôde le long des couloirs mornes et froids ! On dirait que ce triste décore n’est qu’une préparation à la terrible nouvelle que je redoute. Aux murs, des tableaux de mauvais goûts à prédominance bleue ont été placés au hasard, sans aucun souci esthétique. Mes yeux se fixent sur eux, les captent. Des membres du personnel soignant passent devant moi sans même me jeter un regard, comme si je n’existais pas, insignifiant à leurs yeux. Puis, un groupe de personnes en blouses vertes apparait à l’extrémité du couloir. Probablement des médecins. Leur marche est lourde et lente. Lorsqu’Ils arrivent à ma hauteur, l’un d’entre eux se détache du groupe et vient vers moi.
--- Vous êtes de la famille ?
--- Oui, !Dis-je en me levant.
Je le regarde fixement, son visage impassible m’impressionne. Le temps semble figé. Je le sens mal à l’aise, ne sachant par où commencer.
--- Nous avons fait notre possible, nous avons lutté pendant trois heures en la maintenant en vie artificiellement, mais… elle avait perdu trop de sang, il était impossible de la sauver.
Je me sens vidé, mes jambes me lâchent, je retombe lourdement sur le banc métallique. Je sens le bras de Myriam autour de mon cou, elle ne dit rien. Me voyant trembler, une infirmière me demande si je veux quelque chose pour me calmer. J’accepte.
Fin du 8° épisode BOKAY
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Double vieN° 9 (la piscine)

Une semaine s'est écoulée depuis la décès de Serine. Le plus dûr a été la cérémonie funèbre. Il y avait peu de monde, Max, son mari, n'a pas eu l'autorisation d'assister à l'enterrement. l'assassina de Sérine m'a fuchu un coup terrible! Comme si on m'avait arraché une partie de moi-même! Heureusement, Myriam est là! Elle me soutient du mieux qu'elle peut, et surtout, elle me secoue. J'ai ce terrible penchant à me laisser aller lorsque les choses vont mal et de me complaire dans ma peine. Mais avec Myriam, pas question! Son dynamisne remue et secoue tout ce qui gravit autour d'elle.
C'est pas mon habitude de faire des cadeaux, mais pour remercier Myriam, je lui achette un petit truc: un T-shirt que j'ai repairé rue de Rivoli. Le soir, je rentre à mon appart, mon petit cadeau sous le bras. Myriam est là, elle m'ouvre la porte et sans même prêter attention au paquet paquet que je tiens, elle me saute au cou.
--- Tu peux pas savoir comme je suis heureuse! Dit-elle. C'est formidable!
Moi, je reste perplexe! Elle n'a donc jamais reçu de cadeau? et elle continue:
--- Oui, c'est formidable! j'ai une nouvelle extraordinaire, hypersuper à t'annoncer!
--- Eh ben! Dis... Si c'est si bien que ça!
--- Ma mère a viré ce fénéant, ce salop de Loïc! C'est pas une bonne nouvelle?
--- Si, si! Dis-je, c'est une bonne nouvelle, mais je ne me sens pas vraiment concerné, ce Loïc, moi je ne le connaissais pas.
--- Puisque je te dis que c'est une ordure! Ce salop, il voulait me sauter, mais plutôt crever que de coucher avec l'ami de ma mère! Et en plus, c'était un fénéant de la pire espèce... C'est pour moi?
--- Oui, j'ai trouvé cette petite chose, regarde, si ça te plaît pas, j'irai le changer...
--- Whoua! C'est super! T'as bon goût! Je vais le passer.
C'est vrai que ça lui va bien, elle est ravissante! Ce n'est qu'une petite chose, mais visiblement, ça lui fait plaisir!
--- Demain, moi aussi, je te fais une surprise, dit Myriam.
--- Ah, et c'est quoi? dis-je.
--- Idiot! Si je te le dis, ce ne sera plus une surprise! juste une précision, faut pas te lever tard.
Bien que ce soit dimanche, je me lève assez tôt, surprise oblige. Myriam vient me retrouver dans la cuisine et nous déjeunons ensemble.
--- Maintenant que Loïc est parti de chez vous, qu'est-ce que tu vas décider? Tu retournes vivre avec ta mère ou tu...
--- Eh! T'en as marre de moi, toi aussi tu veux me virer?
--- Non Myriam, je ne dis pas ça pour que tu partes, c'est tout le contraire, c'est parce que j'ai peur que tu partes. j'ai pas envie de me retrouver tout seul chaque soir.
--- T'as qu'à te trouver une femme... Oh excuse-moi, ça m'a échappé, j'avais déjà oublié.
--- C'est pas grave... Et ta surprise!
--- Ce matin, je vais à la piscine, dit Myriam et tu viens avec moi. Tu m'as bien dit que tu adorais nager?
--- Oui, c'est possible, en tout cas j'aime la piscine mais en ce moment, j'ai pas trop le goût.
--- Justement, dit Myriam, ça va te changer les idées.
Pour faire plaisir à Myriam, je l'accompagne à la piscine. Nous arrivons les premiers, le bassin pour nous deux.
--- Aller! Vient! On va voir si t'es en forme, dit-elle.
--- Ca m'étonnerais que tu me battes, dis-je. Tiens! Si tu arrive avant moi, je te paie la pizzeria à midi! OK?
Je me donne à fond mais le manque d'exercice se fait sentir et je vois Myriam qui me prend un mètre, puis deux! Je suis un peu déçu, mais malgré la cuissante défaite, j'ai l'impression d'avoir rajeuni de quinze ans.
--- Alors t'es rouillé? faut venir plus souvent! Dit Myriam.
Nous sortons de l'eau, je me dirige vers le plongeoire et Myriam me suit.
--- Bouge pas, fait voir! dit-elle. T'as une tache marron sur la hanche! exactement comme moi et au même endroit!
--- Certainement que ta mère en a une aussi, dis-je.
--- Non, elle n'en a pas!
--- Alors, c'est ton père, en général, ces trucs c'est héréditaires, et on est pas les seuls, il y a une quantité de gens qui ont des taches sur la peau.
--- Mon père, je le connais pas! Comment veux-tu que je sache? Elle m'a juste dit, une fois qu'elle était en colère:" pas étonnant que tu sois aussi têtu, t'as été fabriquée en Bretagne! C'est tout ce que je sais. Avec ça?
Comme promis, j'emmène Myriam à la pizzéria. Moi, j'ai pas trop envie, mais chose promise....Depuis hier, c'est à dire depuis qu'elle sait que sa mère à viré Loïc, je la sens plus heureuse. Pendant le repas, Elle me parle surtout de sa mère. Elle lui trouve beaucoup de qualités.
--- Je sais que c'est pour moi qu'elle travaille la nuit, à cause du salaire. Je ne comprends pas pourquoi elle n'a jamais rencontré un type bien! Elle a dû être vachement jolie quand elle étais jeune! Et même maintenant, il y en a des hommes qui lui tourne autour! Quand je lui pose la question, elle me répond immanquablement:" le seul homme que j'ai aimé, c'est ton père".
Nous rentrons à l'appart, Myriam repart aussitôt, elle a rendez-vous avec des copains. Moi j'allume la télé, les images défilent mais je ne vois rien. J'essaie d'être lucide et je me rends compte que cette double vie ne mène à rien de constructif, que la présence de Myriam ne fait que prolonger une situation sans issu. Tant qu'elle est là, je ne suis pas seul, mais le fait qu'elle puisse partir m'angoisse. La peur de la solitude. Oui, c'est bien ça mon problème! Cette même peur qui me poussa à me dédoubler, à vouloir vivre deux vies alors que je suis incapable d'en vivre une seule pleinement. La mort de Serine m'a ouvert les yeux sur ma propre existance. J'ai l'impression d'être au bord d'un pécipice qui a Myriam pour seul rempart. Mais qui est-elle? une fille un peu paumée que j'ai ramassée, comme ça hasard de la vie, et qui est libre de partir demain sans explication. Je continue de ruminer tout l'après-midi, mais en soirée, je décide de me bouger, je me fais un ciné. Quand je rentre vers onze heures, Myriam est dans la cuisine.
--- Je crève de faim, dit-elle, je me fais une omelette aux herbes, t'en veux une aussi?
--- C'est pas de refus, moi aussi j'ai un petit creux. Tu m'as pas repondu, ta mère veut pas que tu rentres à la maison?
--- Mais si elle veut bien! Elle m'a dit:" tu fais comme tu veux, du moment que tu ne fais pas de conneries et que tu travailles". En fait, je crois qu'elle culpabilise, la liberté qu'elle m'a laissée l'arrangeait, ça lui permettait de passer plus de temps avec Loïc. Maintenant, avec le recul elle craint que je lui jette à la figure comme un reproche. Enfin, c'est ce que je crois!
Le lendemain, la journée commence mal, je me fais piquer mon portable alors que je prends un petit noir à la terrasse d'un café. De ce fait, je perds tous mes numéros de téléphone et je ne peux plus bosser. Le temps d'en racheter un et de recupérer toutes les informations que j'ai perdu, le soir arrive et j'ai rien foutu! Je rentre donc de mauvaise humeur à mon appart, Myriam nettoie l'appart, il est plus propre que jamais.
--- Tu veux en faire un palasse de mon appart! T'a invité Chirac à Manger?
--- Non, dit-elle, pas Chirac, mais on a de la visite.
--- Et je peux savoir qui?
--- Oui, si tu me promets de ne pas me crier? Dit-elle.
--- Un ami?
--- Non, j'ai invité ma mère à manger... Ce soir.
Ca ne me dérange pas qu'elle invite sa mère, depuis le temps qu'elle me parle d'elle! Mais aujourd'hui, ça ne m'arrange pas, après cette journée mouvementée, j'ai envie d'être tranquille. Comme pour se faire pardonner, elle me dit de m'asseoir et me prépare un punch. Bien calé dans mon fauteuil, j'examine mon nouveau portable quand la sonnette de la porte retentit.
--- C'est ma mère, dit Myriam, bouge pas je vais ouvrir.
Fin du 9° épisode.


Double vie N° 10 FIN

Myriam ouvre la porte. Par politesse et respect pour sa mère, je me lève de mon fauteuil.
---Bonjour M'man! Dit Myriam en sautant au cou de sa mère, je te présente Alex.
Je regarde la maman de Myriam, une jolie femme, taille moyenne et cheveux châtain. Mais les traits de son visage et son regard m'interpellent. Elle aussi, me regarde avec une certaine insistance, j'en suis presque gêné...
--- Excusez-moi, dit-elle j'ai l'impression de vous avoir déjà...Alex! Alex! Non, pas possible!
--- Lise? Tu es la mère de Myriam? Ca fait dix ou... non, plus, au moins douze ans qu'on s'est perdu de vu?
--- Non, plus, bientôt dix-sept! Le temps passe si vite! C'est donc chez toi qu'habite Myriam!
--- Oui, je lui prête le petit appart, à côté... Mais, assieds-toi. Quelle surprise!! Se retrouver après toutes ces années! Tu te souviens?
--- Oh Oui, je me souviens, comment pourrais-je oublier?
La réapparition soudaine de Lise me perturbe, tout s'emmêle dans ma tête et le sens de sa phrase m'échappe. Lise? Je l'ai aimée plus que tout au monde. Je nous croyais uni par un amour indestructible et plus fort que tout, quand subitement et sans raison apparente, elle s’est retirée de ma vie et a disparu sans me donner d'explication. Ne comprenant pas ce silence, j'imaginais plusieurs scenari: accident, maladie, où la rencontre d'un autre homme? Je cherchais une explication. j'en ai beaucoup souffert et je n'admettais pas ce silence qui pour moi était synonyme de torture. Et sans cesse, la même question m'obsédait: pourquoi ce silence? Quelle en est la cause ou la raison? Avais-je commis une erreur ? Et maintenant, alors que cette époque se noyait dans l'oubli, voici le passé qui revient et ses souvenirs, vieux de seize ans, qui se bousculent et se superposent. Le lieu de notre rencontre, dans une petite rue de Carnac; la plage et le soleil, si chaud qu'il nous brûlait la peau; le petit bar où nous avions notre place...Tout cela me revient, vivant, concret. Par le fait du hasard, Lise réapparaît seize ans après sa disparition. Que dois-je penser? Je ne sais pas, je ne sais plus, alors maladroitement, je me contente de dire des banalité.
--- Tu vis donc seule à présent? Dis-je
--- Oui, dit-elle, je me suis séparé de mon ami "Loïc" et Myriam préfère rester chez toi pour l'instant... C'est ce qu'elle m'a dit.
--- T'as bien fait de le virer ce fainéant, dit Myriam!
--- En tout cas, félicitations, tu as une jolie fille, dis-je. Elle t'a raconté notre rencontre au commissariat?
--- Oui, je sais tout, Myriam me dit tout.
Le portable de Myriam sonne.
--- excusez-moi, dit-elle, c'est un copain.
Pour être tranquille, Myriam se rend dans l'appart d'à côté. Lise la suit des yeux, puis me regarde avec cet air particulier qui précède l'annonce d'une nouvelle importante. Soudain, mon esprit à retardement se débloque.
--- Seize ans qu'on s'est quitté! Tu ne veux pas dire que Myriam...
--- Si !Et oui, Alex! Myriam est ta fille, ça ne fait aucun doute.
Cette révélation me fait l'effet d'un coup de massue sur la tête! Je me sens chavirer, abattu, anéanti et reste sans voix. Je ne sais même pas si je suis heureux ou en colère? En tout cas, je suis furieux que Lise me l'ait caché. Comment va-t-elle justifier son comportement? Mais Lise ne dit rien, elle semble éviter mon regard, je la sens gênée. Elle sait qu'elle va devoir affronter mes questions.
--- Et pourquoi ne m' as-tu rien dit?
--- Je pensais que c’était mieux. Je sais que j'aurais dû te le dire, mais j'étais jeune. Je me rends compte que j'ai commis une erreur, mais que puis-je faire à présent? Ressasser le passé ne sert à rien.
--- Et Myriam, que lui as-tu dit de son père?
--- Rien. L'idée qu'elle se fait de son père est un assemblage de souvenirs que j'ai gardé de toi, mais rien de précis. Je me demande comment elle va le prendre quand elle apprendra la vérité? J'appréhende sa réaction.
--- Moi aussi je l'appréhende, dis-je, les choses auraient étés si simples si tu m'en avais parlé, on l'aurait élevé ensemble... Quel gâchis!
--- Justement, dit-elle, si j'ai agi de la sorte, c'est pour ne pas gâcher ta vie. Je me sentais responsable de ce cette grossesse et je voulais en assumer seule les conséquences.
--- Nous sommes responsables tous les deux, dis-je, moi autant que toi
Myriam revient dans le salon et nous mettons un terme à notre discussion.
--- Oh! Vous discutez bien tous les deux!, Dit Myriam... Vous vous connaissez depuis longtemps?
--- Oui, dit Lise nous nous connaissons depuis très longtemps, nous avons passé des vacances ensemble, en Bretagne.
--- Décidément, la Bretagne ça te réussit! Dit Myriam. C'est pas là que tu avais rencontré mon père... Tu sais m'man, j'ai eu de la chance de rencontrer Alex, quelquefois on s’engueule, mais je crois que sans lui, je m’ennuierais ou alors, je ferais des bêtises.
--- J'ai rencontré Alex en Bretagne il y a dix-sept ans, dit Lise.
--- Ah! il devait être mignon à cette époque! Dit Myriam en me regardant.
--- Pourquoi? Tu me trouves moche Aujourd'hui? Dis-je.
--- Mais? J'y pense! Dit Myriam, tu pourrais être mon père alors?
Myriam lance cela comme une boutade, une sorte de phrase toute faite. Mais la question va droit au cœur de sa mère qui ne réussit pas à cacher son émotion. Lise me regarde, son visage se cristallise, son teint blanchit. Je la regarde avec la même intensité et un long silence s'installe.
--- Ben, alors! J'ai dit une connerie? Dit Myriam. Qu'est-ce que vous avez tous les deux? Vous me cachez quelque chose?
Myriam nous regarde à tour de rôle. Ses yeux cherchent une réponse, l'expression de son visage devient grave, se fige et nous écrasent. Notre silence répond à la question qui lui brûle les lèvres.
--- Oui! Dit Lise, Alex est ton père!
Jamais Je n'ai vu Myriam avec de tels yeux. J’ai l'impression d'avoir une étrangère en face de moi. Pendant quelques secondes elle reste de marbre, puis les commissures de ses lèvres se relèvent lentement, son visage s’illumine, ses yeux pétillent et un immense sourire envahit son visage. Alors, d'un bond, elle s'élance et plonge dans mes bras. Elle se cale dans le creux de mon épaule et éclate en sanglots.
--- J'ai un père! J'y crois pas, je rêve! Toute ma vie je t'ai attendu. Mais tu es là! Tu ne peux savoir comme je suis heureuse, je suis comme tout le monde maintenant, j'ai un père! Mais depuis combien de temps sais-tu que je suis ta fille?
--- Oh! Depuis très peu de temps, cinq minutes tout au plus, je n'en reviens pas non plus! J'ai une fille! Allez, champagne!
Je vais chercher une bouteille et je pose trois coupes sur la table de salon. Myriam ne maîtrise plus ses émotions, elle pleure et rit en même temps avant de disparaître dans les bras de sa mère. Cette émotion extrême s'évacue peu à peu dans les larmes qui coulent sur nos joues. Que d'événements en une journée! Comment la vie peut-elle réserver de pareilles surprises alors qu'on se croit installé dans une éternelle routine! Moi aussi, je me sens heureux, je m'y étais attaché à cette gamine! j'étais déjà un peu son père adoptif. Un jour, elle m'a même dit: " c'est con la vie"! Surpris, je lui ai demandé: "pourquoi"? Parce que je suis trop jeune pour être ta femme et je ne peux pas être ta fille" m'a-t-elle répondu! Ce jour-là, elle m'avait vraiment touché.
--- Aller! on passe à table, dit Myriam. Pour la première fois de ma vie, j'invite mon père à manger! On est comme une vraie famille! Je peux t'appeler Papa?

trois semaines plus tard. En octobre
Nous profitons des derniers beaux jours pour faire une promenade au parc, tous les trois. Les arbres se dépouillent de leurs parures automnales et les feuilles mordorées virevoltent, puis tourbillonnent sur le sol. Nous sommes assis sur un banc, juste en face d’un bassin. Le soleil se faufile entre les arbres partiellement dénudés et lance de longues ombres sur les pelouses tachées. Près de nous, des gamins ramassent des marrons et les lancent en direction du bassin. Ils visent un petit bateau qu'ils font naviguer sur l'eau, entre les feuilles mortes et les brindilles. Est-ce cela le bonheur? Autour du bassin, une petite fille promène son bébé dans son landau. Lise et moi la regardons. Nous avons certainement la même pensée: dans cette enfant, nous imaginons Myriam petite. Tout ce bonheur perdu à jamais... toutes ces joies que nous aurions pu partagées ensemble.
--- Tu te souviens, Lise de ce petit café à Carnac où nous prenions toujours notre café, comment s'appelait-il déjà?
--- Il s'appelait: "Chez Myriam".
Mais tout en parlant, Lise me tient la main, de la même façon qu'autrefois, juste le bout des doigts, comme en Bretagne.
--- Eh! Eh! dit Myriam, je vous y prends vous deux!
--- Et tu n'es pas au bout de tes surprises, ma fille, à partir de demain, nous habitons ensemble, tous les trois, dit Lise.
--- Bientôt, vous parlerez mariage à ce rythme! Qu'est-ce que vous voulez comme cadeau de noce? Demande ironiquement Myriam.
--- Oh! Ca, nous l'avons déjà, dis-je, notre cadeau c'est toi.
http://bokay.over-blog.org/ BOKAY









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